Les intouchables [par Dorothée Boyer Paillard]
Ce ne sont que des héros de papier qui s’indignent et s’agitent comme des marionnettes sans âmes. Dans leurs costumes trop larges et leurs cravates serrées, leurs esprits étriqués damnent nos vies par faiblesse, grossièreté, indignité. Ils portent leur intelligence avec arrogance et s’imaginent sublimer leur supériorité par quelques verves endiablées. Ils éructent leur bienséante animalité. Leurs invectives sonnent la sentence de l’opprobre. Niant l’esprit de l’autre, leurs verbes aiguisés transpercent l’once d’humanité qui parvient à traverser les ténèbres dans lesquelles ils ont sombré. Leur mépris attache au pilori la foule qui s’élève, qui bruisse, puis tempête et gronde pour retomber dans un infâme oubli. Leur violence psychologique et physique dénature les justes combats. Sous leurs airs d’heureuses promesses, ils détruisent consciencieusement ce qui fait corps, ce qui fait société. Les enfantillages n’ont de cesse que de les soumettre. Ils refusent les compromis au nom de l’intérêt général, au nom du peuple, sous couverts de quelques mesquineries de buvettes parlementaires. Du haut de son trône, le prince exalté jouit de ce vulgaire divertissement. Il se sait protégé par les défaillances de la démocratie. Une démocratie informe et nébuleuse dans laquelle le maître mot est Institutions. Institutions représentatives, Institutions démocratiques, Institutions participatives. Les Institutions sont le garant de la stabilité des États.
Combien ? Pour qui ? Pour quoi ?
Bien maigre lot de consolation lorsque le peuple en est réduit à atermoyer une facture trop écrasante, à poireauter dans des queues interminables pour se sustenter si ce n’est chaparder pour survivre. Les équitables réformes, ils n’en ont que faire. Six années données pour les sénateurs et une pension de 2 200 euros avec une moyenne portant à 3 856 euros mensuels pour un départ à 71 ans. Les députés désormais un peu moins depuis leur alignement sur le régime de la fonction publique. Mais combien pour un agriculteur, une femme de ménage, un ouvrier ? Combien parviendront à 64 ans sans être passés par la case RSA avec deux années de plus à trimer ? Combien pourront avoir la chance d’être assis dans de confortables sièges, à prétendre pour leur président une retraite avoisinant les 10 000 euros sur notre dos ? Mais nous sommes trop faiblards et égoïstes pour nous souder. Combien de vies sacrifiées ? Combien de soignants suspendus pour des politiques immatures ? Combien encore de destructions ? Combien encore de mensonges profanant le peuple trop inculte pour comprendre l’essence même d’une réforme inutile ? Pour qui ? Pour quoi ?