Les “gros mots” de Jean-Paul Pelras : L’Hybris

Évoquons aujourd’hui un terme antique féminin de plus en plus utilisé, en opposition à la modération et à la maîtrise de soi, pour désigner l’orgueil et l’abus de pouvoir que suscitent arrogance et démesure. Certains, voyant où je veux en venir et plus particulièrement à qui cette définition pourrait être destinée, se disent déjà, en parcourant ces lignes, que je vais insérer : « Toute ressemblance avec des personnages existant ou ayant existé serait purement fortuite ». Eh bien non, car nous sommes tout de même un peu concernés par l’Hybris (ou l’Hubris) de celui qui, de surcroît et depuis sa haute autorité, en convoquant le déni et le mépris, s’exonère de toute humilité et nous expose à tous les dangers.
Petit retour en arrière : novembre 2020 : « Je ne rendrai pas le vaccin obligatoire » Effectivement, il n’a rien obligé, mais il a tout interdit ! De même qu’en avril 2019 il trouvait « hypocrite et contraire à ses engagements » le report à 64 ans du départ en retraite. Une rafale de 49-3 plus loin et nous avons pu mesurer l’évolution dudit « engagement ». Une pirouette constitutionnelle de plus pour celui qui fut membre du gouvernement Hollande avant de reconnaître, quelque temps plus tard, en août 2016 : « L’honnêteté m’oblige à vous dire que je ne suis pas socialiste ». Remboursez ! ont alors crié ceux qui gîtaient encore, pour quelques mois, rue de Solférino.

Plus récemment, nous rappellerons le fiasco (voir chronique de la semaine dernière) consécutif à l’invitation des Soulèvements de la Terre, ou encore cet engagement à ne pas surtransposer les normes environnementales afin d’alléger les contraintes imposées au monde agricole. Et paf, voilà que, 48 heures après que le premier d’entre nous ait affronté courageusement les agriculteurs dans leur Salon, (protégé toutefois par plusieurs compagnies de CRS) son émissaire européen, le dénommé Pascal Canfin, ancien d’Europe Écologie les Verts « transfugé » Renaissance, donc sous pavillon macroniste, se félicite d’avoir obtenu l’adoption sur la Loi de restauration de la nature. Autrement dit, l’obligation de restaurer au moins 30 % des zones d’habitat (forets, prairies, zones humides) concernées par la nouvelle loi d’ici 2030, 60 % d’ici 2040 et 90 % d’ici 2050. Les agriculteurs apprécieront !
Dans le même esprit, nous pouvons nous demander jusqu’où tiendra l’engagement à ne pas céder aux sirènes du Mercosur, l’Europe et tout particulièrement l’Allemagne, ayant encore quelques berlines à vendre outre Atlantique. Notons que des accords de libre-échange viennent d’être signés avec le Chili. Ce qui va permettre d’accroître les volumes d’importations en viande bovine, ovine, porcine et volailles notamment, moyennant un meilleur accès de l’UE aux matières premières telles que le lithium et le cuivre, dont le Chili est un important producteur.

Mais revenons à l’Hybris et aux déclarations de notre chef de guerre qui déclare avoir « pesé » et « mesuré » ses propos sur l’envoi potentiel de troupes françaises au sol en Ukraine. Armons-nous et partez, pourrait-on presque dire, si seulement nous étions armés ! Une déclaration qui, à Kiev, suscita certainement la satisfaction du joueur de piano et, du côté de Moscou, la réponse du berger à la bergère dans des proportions, pour l’instant verbales, que nous pourrions un jour qualifier d’apocalyptiques.
L’Hybris, par voie de conséquence, précipitera-t-elle « la fin de notre civilisation » comme le prophétisait le maître du Kremlin dans son récent discours annuel ? Nous n’en sommes pas là, car il n’y eut, sur le sol européen et sur les arpents de l’OTAN, aucun écho favorable aux propos élyséens. Bien au contraire.

Étrangement, dans la fable d’Esope intitulée « La guerre et la mariée » le conteur Babrius, dont s’est inspirée La Fontaine, dit : « Que l’Hybris ne vienne jamais parmi les nations ou les villes des hommes, trouvant grâce auprès de la foule, car après elle, la Guerre sera à portée de main »
Reste à savoir, désormais, jusqu’où se transportera l’Hybris de nos suzerains !

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