Les “gros mots” de Jean-Paul Pelras : La voiture
Synonyme de réussite sociale à l’aune des années soixante, la voiture est devenue cet objet encombrant et polluant à bannir absolument, à envoyer à la casse, à oublier définitivement. Ce qui sera assez compliqué si l’on considère le nombre de « réclames » concernant ce moyen de déplacement imposé, entre la énième rediffusion de quelques séries télévisées et la publicité consacrée aux cosmétiques censés nous redonner jeunesse, gloire et beauté.
La voiture donc, la bagnole, la tire, la bouzine, la chignole, le tacot, le ravelin, la charrette ou la trapadelle, dénomination entendue du côté de Limoux, voilà une bonne quarantaine d’années, au comptoir d’un estaminet entre deux gorgeons de blanquette bien gazéifiée. Cette voiture qui sert à nous transporter d’un point A vers un point B et dont les Parisiens, mais aussi probablement les Lyonnais, les Bordelais et tous ceux qui vivent dans les polypiers urbains, vont, de toute évidence, devoir se passer. J’avais, ici même, voici quelque temps, évoqué à ce titre le destin du C15 condamné à ne plus pouvoir circuler dans la cité car non équipé de ladite vignette lui permettant d’y accéder. « Anne, ma sœur Anne, ne vois-tu rien venir ? » De toute évidence, non. Et surtout pas, du côté de Lutèce où elle est bourgmestre depuis bientôt 10 ans, la colère sourdre des quais de cette Seine avec le sieur Estanguet, champion de canoë, qui en aurait croqué pour 270 000 balles par an. Et ce, en échange de bons et loyaux services apportés au Comité d’organisation des Jeux olympiques dont il est président. Churchill disait : « Le sport m’a sauvé, car je n’en ai jamais fait ». À méditer.
Mais revenons à nos voitures, électriques, en l’occurrence celles qui, avec la gastro-entérite, vous font redouter de ne pouvoir arriver à la maison à temps. Quelle époque tout de même ! Ou comment, alors que l’électricité vient encore d’augmenter de 10 % et que les gens passent leurs temps à surveiller le thermostat en priant qu’il ne fasse pas trop froid, ceux qui veulent sauver la planète à tout bout de champ nous incitent à acheter des bagnoles qui fonctionnent au « courant ». Ce courant qui pourrait venir à manquer le jour où ceux qui savent forcément ce qui est bien pour nous, nous obligeront à bazarder les pistons des moteurs thermiques pour leur préférer le rotor des champs magnétiques.
En clair (plutôt obscur) nous pourrons (peut-être) rouler sur une distance a fortiori limitée, mais nous ne pourrons plus nous éclairer, nous chauffer, cuisiner, faire couler notre café, lancer la machine à laver et faire fonctionner tout ce qui sert notre quotidien depuis qu’Edison domestiqua l’électricité.
Ceux qui ont fait fermer les centrales nucléaires sont d’ailleurs, conflit ukrainien oblige, en train de comprendre, même si depuis leurs hautes responsabilités ils ne sont pas économiquement concernés, ce qu’il pourrait nous en coûter.
Depuis Paris, ce sont les mêmes qui, soutenus par une ministre ayant migré du yoghourt vers la politique, ont prohibé l’utilisation des chaudières à fioul usitées par presque 5 millions de ménages, principalement établis dans les territoires ruraux. Cette ruralité, souvent mal desservie par les transports en commun, qui n’a d’autre choix que de se déplacer en voiture pour aller travailler, se nourrir, éduquer ses enfants, se faire soigner… Tiens, se faire « soigner », un gros mot qu’il nous faudra sans doute, très prochainement, évoquer.