Les “gros mots” de Jean-Paul Pelras : La trahison

Voilà, je m’étais dit que plus jamais je ne commenterai les eaux basses de la politique politicienne. Car ces introspections dans la médiocrité républicaine me coupaient de plus en plus fréquemment l’appétit, me procuraient systématiquement des insomnies. Et puis, il y eut la nomination de Rachida Dati au ministère de la Culture avec, débusquée dans un florilège de déclarations peu amènes à l’encontre du clan Macron, cette petite phrase prononcée, en 2021 sur France Inter, par l’intéressée : “En Marche, c’est quoi, c’est des traîtres de gauche et des traîtres de droite. Ceux qui sont aujourd’hui à La République en marche, ils viennent d’où ? Du PS ou des Républicains…”
Avec cette déclaration, la dame qui, signalons-le au passage, est mise en examen pour corruption passive dans l’affaire dite “Carlos Ghosn”, faisait preuve, à n’en point douter, d’un sens inné, voire prémonitoire, de l’analyse. Et celle qui, ceci expliquant certainement cela, ne cache pas ses ambitions pour gagner la mairie de Paris de préciser, en 2020 dans les colonnes de Ouest-France : “L’alliance avec En Marche, c’est le baiser de la mort”.

Alors, même si l’histoire ne détaille pas la genèse de cette soudaine passion, nous voilà bien obligés de constater toute l’ambivalence de la concussion, de l’infidélité et, osons le gros mot, de “la trahison”. Là où le scénario emprunte à la tragédie, tel Judas livrant Jésus au supplice du Golgotha moyennant trente misérables deniers et un baiser qui valut au Messie d’être arrêté au jardin de Gethsémani. Le repentir ne figurant plus depuis belle lurette dans les évangiles du pouvoir, nous n’assisterons certainement jamais au mea culpa de celle qui ne va pas tarder à nous livrer une pirouette du style “seuls les ânes ne changent jamais d’avis”. Force est de constater, à ce propos, qu’il y a de moins en moins de baudets à postuler sous les ors de la République, tant l’exercice de la félonie l’emporte régulièrement sur la fidélité au parti. De quoi déconcerter ceux qui, de plus en plus nombreux, désertent les urnes car ils ne savent jamais s’ils vont élire les représentants du peuple ou quelques marchands de tapis.

J’étais dans un bar aveyronnais du côté de Laissac lorsque l’annonce de ladite nomination tomba entre le verre de Marcillac et les œufs mimosas. Des ouvriers, un veuf perdu dans ses silences, des représentants de commerce, des chefs d’entreprise, une serveuse en survêtement qui tenait le bar et servait les pizzas, des paysans, des routiers, des maquignons, des gens autrement plus cultivés (et concernés) que ceux qui font et défont notre quotidien sous les cimaises des hautes administrations. Certains montraient, au bord des lèvres, ce pli qui signifie le dégoût, d’autres haussaient les omoplates comme pour dire “de tout ce cirque, on s’en fout”. Et puis il y eut ce petit message qui défilait au bas de l’écran : “Macron déclare : il faut simplifier la vie des gens”. Évidence pétrie de bon sens immédiatement suivie d’une autre annonce : l’électricité, ou plutôt les taxes qui lui sont corrélées, vont augmenter de 10 %. Décision commentée par Emmanuelle Wargon, qui migra du yoghourt vers la politique avant d’être battue aux législatives et de prendre la tête de la Régulation de l’énergie. “Simplifier la vie des gens” en vidant leur porte-monnaie. Effectivement, à force de contradictions, la trahison n’en est plus à un remaniement près.

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