Les exclus (Par Liliane Doger Ledieu)
Combien d’entre nous ont une idée, même approximative, de la souffrance endurée par les personnes atteintes d’autisme ? Pouvons-nous un tant soit peu imaginer le désarroi, le sentiment d’abandon des familles dans leur combat qui reste vain, dans une indifférence intolérable ? Des familles qui ne travaillent plus, qui n’ont plus de liens sociaux, qui vivent un enfer en implorant de l’aide, fragilisées, traumatisées de ne rencontrer que refus ou indifférence, terrifiées à l’idée d’entamer des nouvelles démarches.
Louca est né le 29 janvier 2004.
À l’aube de ses trois ans, il est diagnostiqué autiste et sourd.
Du fait de son agitation, il a très peu fréquenté l’école. Les établissements spécialisés refusent de le prendre en charge. “Trop agité”, “Enfant perdu”…
À l’âge de six ans, il est admis dans un IME (institut médicoéducatif) non spécialisé dans le TSA (trouble du spectre de l’autisme), donc inadapté à son handicap. Le personnel, non formé, a beaucoup de mal. À la maison c’est très difficile aussi. Tout le monde tient bon jusqu’à ses douze ans.
Maintenant Louca doit aller chez les “grands” où il faudrait qu’il ait beaucoup plus d’autonomie. C’est trop violent pour lui. Deux années se passent tant bien que mal grâce à un éducateur que Louca aime bien.
À quatorze ans, changement de groupe, du jour au lendemain, sans concertation avec les parents, (après tout, ce ne sont que des emmerdeurs, toujours à s’opposer aux décisions des professionnels qui connaissent mieux l’enfant que ses propres parents !). La situation s’aggrave à l’IME et à la maison malgré un traitement médicamenteux avec des doses de cheval. Les tensions s’amplifient entre l’IME, le médecin de famille et les parents de Louca. Il va de plus en plus mal. Il se fait vomir et perd 17 kilos en quelques mois. Toujours pas de professionnels TSA…
Louca commence à ingérer des objets de toutes sortes, aussi dangereux les uns que les autres, au centre et à la maison. De plus en plus d’objets, de plus en plus dangereux.
Après de longs mois, en juin 2020, un éducateur TSA intervient mais capitule au bout de quelques jours, débordé. Louca est placé derechef en hôpital psychiatrique, véritable calvaire pendant trois semaines d’isolement. Retour à l’IME.
Faute de personnel qualifié, Louca est prié de rester à la maison. La situation est ingérable. “Nous vous demandons de comprendre…”
À la maison, c’est l’enfer. Louca menace ses sœurs. Les parents doivent faire face, jours et nuits, sans aucune aide.
Louca réintègre l’hôpital psychiatrique. Il fera une tentative de suicide. Louca veut mourir pour renaître en “Louca facile”. Le personnel est épuisé et totalement démuni. Sa place n’est pas à l’hôpital, tout le monde le sait, mais rien ne bouge. Après trois longs mois, pas le choix, retour à la maison, avec tous les risques que cela comporte. Louca ne veut plus de traitements. Il dit qu’il ne les aime pas, que ça ne le rend “pas bien”, que ça le met très en colère. Il hurle, il casse, il frappe, il cogne. Il avale tout, le gel douche, les cailloux dehors. Il est en danger. Un éducateur vient au domicile… sept heures par semaine, autant dire rien ! Trop difficile pour Louca, il veut mourir pour renaître. Pour lui sa demande est si simple ! Il en veut à ses parents de ne pas y accéder. Ses parents qui, à bout de forces, le remettent à l’hôpital.
Cloîtré 22 heures sur 24…
Depuis, Louca est enfermé dans une chambre d’isolement, nue. Seulement un matelas. Cloîtré 22 heures sur 24. Quatre sorties quotidiennes d’une demi-heure, lorsque c’est possible. Faute de soignants, les toilettes sont condamnées, il doit faire ses besoins dans une bassine. Faute de soignants, personne ne répond à Louca qui tape toute la journée sur la porte. Faute de soignants, il n’a accès à rien parce qu’il se blesserait ou avalerait un quelconque objet.
Il n’y a, à ce jour, aucune lueur d’espoir de prise en charge adaptée malgré les dérogations acceptées par la MDPH (maison départementale des personnes handicapées) pour un FAM (foyer d’accueil médicalisé).
Les parents de Louca sont épuisés, désespérés. Il y a tellement d’années qu’ils implorent de l’aide, tellement d’années qu’ils alertent ! Président de la République, Premier ministre, députée, préfète, sénatrice, directeur de l’ARS, maire… RIEN ! Louca est toujours enfermé et mis à l’isolement à ce jour. Louca et des centaines, des milliers d’autres.
Où en est-on dans notre beau pays, 6e puissance mondiale ? Où en est-on, ne serait-ce que dans la réflexion à mener sur l’accompagnement des familles ? Où en est-on de la mise en place de leur protection et de celle de tous ces enfants atteints de troubles ?
J’ai lu avec intérêt la pompeuse “Stratégie” nationale pour l’autisme (2018-2022), magistralement pondue par l’INSERM (Institut national de la santé et de la recherche médicale), présentée au public le 6 avril 2018, dotée de 350 millions d’euros.
Je cite :
“Quatre grandes ambitions :
1) Inclure les personnes autistes dans la société.
2) Intervenir de manière adaptée et respectueuse de leurs choix et de ceux de leur famille.
3) Donner aux professionnels les moyens d’agir.
4) Placer la science au cœur de la politique publique en créant un réseau de recherche d’excellence et en assurant la diffusion des connaissances. Favoriser également les méthodes de prise en charge réellement évaluées.”
Mais que c’est beau ! Et donc ? Et donc, rien ! Du vent, de l’esbroufe, de l’hypocrisie !
Et qu’on ne me parle pas de Covid responsable à l’heure où les laboratoires pharmaceutiques engrangent des milliards comme jamais avec un vaccin qui a fait la pige à des traitements tout simples et peu coûteux dont l’efficacité a été prouvée ! Ça en aurait fait des établissements spécialisés, du personnel formé, de la recherche !
Mesdames et messieurs les représentants de la Nation qui êtes censés lire l’Agri puisque vous le recevez…