L’écriture inclusive : charabia des temps modernes
“L’écriture inclusive désigne l’ensemble des attentions graphiques et syntaxiques qui permettent d’assurer une égalité de représentations des deux sexes.” dixit l’agence de communication dénommée “Mots Clés” (déjà le nom, ça promet !). Ainsi, nous ne nous en étions pas aperçus mais la langue française était sexiste, voire misogyne. Comme si cela ne suffisait pas qu’elle fut raciste !
Lors, après études approfondies et délibérations animées “on” a décidé tout d’abord qu’il fallait interdire les mots “noir” et “blanc”, qu’ils fussent employés comme noms communs ou comme adjectifs, puis, dans le même élan, pour satisfaire quelques illuminées féministes, le Haut conseil à l’égalité des femmes et des hommes (HCEFH) s’attaque à la concrétisation d’un projet mis sur la table il y a cinq ou six ans : “Bannir la suprématie du masculin sur le féminin dans la société.” Alors là, il y a du boulot, évidemment, mais ce n’est certainement pas en démolissant notre belle langue que le problème sera réglé !
Les choses seraient peut-être différentes s’il existait en français le genre neutre, comme en allemand par exemple. Sauf que, justement, ce manque confère à notre langage une finesse et des subtilités infinies. Ses amoureux et défenseurs le savent depuis toujours. Quantité de noms communs sémantiquement neutres sont grammaticalement féminins ou masculins sans qu’il y ait quelque-chose à voir avec le sexe de la personne concernée. Un homme peut fort bien être une sentinelle, une recrue, tout autant qu’une femme sera un génie, un tyran…
Je me suis donc penchée un peu sur les règles de cette fameuse écriture inclusive et vous livre ici quelques exemples croustillants. Si j’ai bien compris, dans le but d’obtenir un langage neutre, non sexiste ou dégenré, il faut que chaque mot soit à la fois masculin ET féminin (là c’est déjà embêtant, j’ai écrit masculin en premier…). Et, pour ne pas se compliquer la vie, on peut remplacer un mot par un autre (tiens, tiens…). Par exemple, le mot “étudiants” étant proscrit pour désigner en même temps les filles et les garçons on doit dire “les étudiant.te.s” ou bien “les étudiantes et les étudiants” ou bien… “les élèves” (oups…). Outre le fait que ces deux mots ne désignent pas tout à fait les mêmes personnes, à votre avis quelle formule sera-t-elle choisie pour gagner du temps ?…
Nous allons assister à un appauvrissement phénoménal du vocabulaire
Je garde le même exemple pour une règle d’accord dit “accord de proximité”. L’adjectif s’accorde avec le nom le plus proche. “Les étudiantes et les étudiants sont beaux” mais “les étudiants et les étudiantes sont belles”. Si, si ! Il y a aussi le nombre qui prime pour l’accord. Cela nous donne : “Les filles et le garçon sont belles.” Parfaitement ! Alors là, j’en appelle à Hugues Aufray “Debout les gars, réveillez-vous !” car enfin, où est la logique avec ce qui est dit plus haut ?
Encore plus fort, mais alors là nous atteignons des sommets, une grammaire dite des “jonctions de termes” que l’on utilisera pour les personnes qui ne s’identifient ni comme masculin ni comme féminin, genre escargot voyez… Prenons comme exemple “auteur”. Donc ce ne sera ni “auteur.e” ni “auteur et autrice” mais plutôt “auterice”. Extraordinaire, non ?!
Très fort aussi : les nouveaux pronoms. “Celles et ceux” deviennent “celleux”. “Il et/ou elle” se transforment en “iel” ou “illes” (gloups !)
Riche de ces enseignements, je m’exerce : “Lors de cette conférence les narrateur.trice.s se sont montré.e.s convainquant.te.s. Celleux qui veulent assister à la prochaine, qu’ielles me le disent !” Ouf ! Essayez donc de lire ça à voix haute pour voir…
Trêve de plaisanterie, la catastrophe commencée avec la disparition du passé-simple s’accélère. Nous allons assister à un appauvrissement phénoménal du vocabulaire. Nombre de noms communs vont disparaître. S’ensuivra inévitablement l’aggravation d’un illettrisme déjà tellement présent ! Et quand bien même l’ignorance ne serait pas totale, comment nos jeunes pourraient-ils apprécier, voire seulement accéder aux grands auteurs classiques ? Quels outils auront-ils pour penser, réfléchir, décider ? Tout se rejoint finalement. Lorsque j’additionne les faits relatés dans mes chroniques précédentes : institution et entretien de la peur, insidieuse mise en place d’une inculture mortifère, voilà le cocktail parfait pour un asservissement sans faille !
Difficile de terminer sur une note optimiste quand se profile à l’horizon la Novlang de George Orwell. J’en frémis !