Le ministère de l’Environnement sera-t-il responsable d’une crise sanitaire en viticulture ?
Ce qui est en train de se passer dans les départements viticoles du Midi de la France illustre parfaitement le danger que représentent les dogmes environnementaux dès qu’il s’agit de sauver une production agricole.
Consécutivement aux pluies abondantes qui ont, pendant plusieurs semaines, arrosé les départements du pourtour languedocien et roussillonnais, la vigne, en pleine floraison, est impactée par une attaque très virulente de mildiou. “Il faut traiter. Toutes les heures comptent. Nous sommes dans la vraie vie, la vigne n’attend pas !” lançait, vendredi soir, Philippe Vergnes, président de la Chambre d’agriculture de l’Aude. Même constat pour ses homologues Fabienne Bonet dans les Pyrénées-Orientales et Jérôme Despey dans l’Hérault. Lequel est intervenu directement auprès des ministères avec l’appui de Christiane Lambert, présidente de la FNSEA. Une mobilisation professionnelle tous azimuts, allant de la Coopération aux Vignerons Indépendants en passant par les Jeunes Agriculteurs et, entre autres structures qui ont enchaîné les rencontres sur le terrain avec les parlementaires et les collectivités territoriales, le Syndicat des vignerons de l’Aude. Parce que les sols sont détrempés et impraticables sur au moins 9 500 hectares dans ce département, parce que les tracteurs qui s’aventurent dans les vignes s’embourbent, parce que, si le mildiou s’installe maintenant, les vignerons ne pourront plus s’en débarrasser, les responsables professionnels ont demandé une dérogation pour que des traitements par hélicoptère puissent être autorisés. Depuis 2015, les pulvérisations par moyens aériens sont, conformément à l’article L.253-8 du CRPM, interdits sauf dérogation. Un précédent existe avec un arrêté pris pour des zones viticoles en pentes situées dans le Bas-Rhin et le Haut-Rhin en juin 2016.
Une dérogation, des conditions, un arbitrage…
Une dérogation qui peut être obtenue moyennant plusieurs conditions. Entre autres joyeusetés, le viticulteur doit justifier le danger sanitaire et fournir les attestations correspondantes, les relevés météo comparés aux années précédentes, un état des sols, les localisations précises, les spécificités, les pentes, les produits qui seront utilisés, la nomenclature et le dosage, les techniques mises en œuvre, la réduction de la dérive de pulvérisation, la certification de l’opérateur, les dangers pour l’applicateur, les mesures de protection vis à vis des riverains, des bâtiments hébergeant des animaux, des parcs nationaux et réserves naturelles. Il doit préciser les mesures de protection concernant les points d’eau et les périmètres de captage, les bassins de conchyliculture, aquaculture, pisciculture et marais salants, le littoral et les canaux de navigation… Sans oublier les balisages de chantiers, les modalités d’information de la population et celles concernant les apiculteurs.
Enfin et entre autres, la communication des dates prévisionnelles et le nombre de traitements… Le dit dossier, une fois constitué, doit être adressé aux ministres de l’Agriculture, de la Santé et de l’Environnement ainsi qu’aux administrations qui en dépendent : DGAL, DGPR, DGS, DRAAF… Des démarches administratives complexes qu’il faut remplir en un temps record avec, in finé, le spectre du refus. Car si, de toute évidence, les ministères de l’Agriculture et de la Santé ont donné leur aval, celui de l’Environnement, comme par hasard, ne s’est pas encore prononcé (mardi 19 mai au matin). Ou comment, déconnectée des réalités du terrain depuis Paris, une administration met en péril des récoltes tout en hypothéquant le revenu d’un monde viticole déjà fortement impacté sur le plan économique par la crise du coronavirus. Résultat des courses, les écologistes sont en train de remporter la partie face à un monde agricole devenu dépendant d’arbitrages inappropriés à l’urgence des situations sanitaires.
Un exemple parmi tant d’autres qui sera, dans les années à venir, duplicable à l’infini sur l’ensemble du territoire. Avec d’un côté, des cultures perdues et de l’autre, des postures zélées. Mais aussi le sentiment, pour bon nombre d’agriculteurs, d’avoir été victimes d’une inacceptable irresponsabilité.
Jean-Paul Pelras
À l’heure du bouclage de L’Agri mardi matin, selon nos sources, les députés de l’Aude devaient rencontrer la ministre de la Transition écologique et solidaire, Elisabeth Borne. Alors que d’autres interventions étaient en cours auprès de Matignon pour obtenir un arbitrage.