Le jour où la télévision a oublié de parler du ministre de l’Agriculture. (Par Jean-Paul Pelras)

Nous sommes le 20 mai 2022, la composition du gouvernement de la nouvelle Première ministre Elisabeth Borne, après plusieurs jours « d’insoutenable suspens », est enfin connu. Laurent Delahousse déroule les titres. Alexis Kohler, très influent Secrétaire général de l’Elysée, prend la parole pour annoncer le maintien de Le Maire à l’économie, de Darmanin à l’Intérieur, de Dupont Moretti à la Justice… Ensuite les commentateurs prennent le relais avec quelques longues séquences réservées à Pap Ndiaye nommé à l’Education et à la Jeunesse, à Damien Abad pour les Solidarités et le Handicap, à Catherine Colonna pour l’Europe et les Affaires étrangères, à Sébastien Lecornu pour les Armées, à Yaël Braun Pivet pour l’Outre-mer. Laquelle, soit dit en passant, fut accusée par l’opposition de « protéger le Président de la Republique » dans l’affaire Benalla, lorsqu’elle était présidente de la Commission des Lois à l’Assemblée.

Dans la foulée, sont nommément cités les ministres de la Culture, du Sport, de la Fonction publique … Sans oublier, bien sûr, l’Ecologie qui hérite de deux ministres, dont Amélie de Lombard de Montchalin chargée également de la cohésion des territoires qui, entre autres fidélités au pouvoir, assumait encore récemment les commandes passées par le gouvernement à Mac Kinsey.   

Et puis, pas un mot sur l’agriculture, seulement une image où l’on aperçoit furtivement 5 visages dont celui du nouveau ministre du Travail, de la ministre de la Santé et enfin de Marc Fesneau pour la rue de Varenne.

Le sens des priorités échapperait il totalement au Service public quand des postes comme ceux qui, avec l’offre de soins, l’emploi et la souveraineté alimentaire, furent, ce soir-là et devant des millions de téléspectateurs, évoqués à la marge ? Ou bien faut-il voir dans ce manque de considération le reflet d’une société qui aurait, encouragée en cela par le calibrage médiatique, perdu ses quatre points cardinaux ?

Denormandie qui part alors que d’autres, beaucoup moins appréciés, restent.

Autre constat, au chapitre des départs cette fois ci, sont cités Le Drian, Schiappa, Blanquer et Bachelot. Pas un mot sur Julien Denormandie que l’on voit furtivement emprunter un escalier. Denormandie, chouchou de Macron pourtant considéré comme ayant été l’un des ministres favoris du monde agricole pour ses prises de positions en faveur de la profession. Et notamment dans l’affaire dite des « bassines » qui ont opposé, sur le terrain, activistes écologistes et agriculteurs irrigants dans le Lot et Garonne et les Deux Sèvres. Département où, suite à un recours de Nature environnement, la création de 5 réserves d’eau vient d’être interdite par le tribunal administratif. Et ce, à l’heure où l’agriculture s’apprête à affronter une énième sècheresse dans un contexte international qui nécessite pourtant une reconnaissance des défis alimentaires. Denormandie qui part alors que d’autres, beaucoup moins appréciés, restent. Pourquoi ne pas l’avoir maintenu à son poste ? A moins que, en connaissance de cause, il ne puisse cautionner la future politique environnementale d’Elisabeth Borne. A moins qu’il n’entrevoie le renforcement des mesures coercitives à venir prescrites par celle qui voulait promouvoir le repas végétarien hebdomadaire dans les cantines et « partageait les préoccupations du maire de Langouët » lorsque cet élu prit un arrêté anti pesticide dans sa commune… Nous verrons, à ce titre, si Marc Fesneau saura imposer une vision pragmatique et compétitive de l’agriculture française à la locataire de Matignon et aux deux ministres en charge de l’Ecologie.

Et ce, dans un contexte où bon nombre de Français se disent prêts à comprendre les difficultés champêtres sans en accepter les raisons, ni le prix à payer. Sans reconnaître sa légitimité à celui qui produit pour nous nourrir. Peut-être, et nous l’avons constaté avec les multiples réactions consécutives à « La lettre aux enfants gâtés d’AgroParisTech » publiée dans l’Agri la semaine dernière, car nous sommes passés de la conscience essentielle à la suffisance superficielle.

Avec un certain déni politique et la bénédiction des financiers qui ont, bien sûr, compris ce que pouvait représenter le marketing de l’écologie, de la farine d’insectes, de la chips de méduse et du steak végétal réunis. Quelque part dans cette étrange société où la seule pollution autorisée est, désormais, celle des esprits.

Une réflexion sur “Le jour où la télévision a oublié de parler du ministre de l’Agriculture. (Par Jean-Paul Pelras)

  • 21 mai 2022 à 20 h 37 min
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    Pas de secretaire d etat pour les anciens combattants et victimes de guerre pour les devoir de memoire. C est une insulte au monde combattants

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