Le “bifetèque” et les “zidéaux”
Tous les six ans nos campagnols sont invités à designer celles et ceux qui les représenteront à la Chambre d’agriculture. Un rituel électoral qui permet aux forces en présence d’exhiber leurs pectoraux et de comptabiliser leurs sympathisants. Pour séduire et convaincre, les prétendants défendent le “bifetèque” d’une profession qui n’attend bien souvent plus grand chose de ce scrutin et revendiquent les “zidéaux” censés sortir de l’ornière une paysannerie réduite à sa portion congrue. Comme en politique, des alliances se forment où chaque obédience convoque ses réseaux, réactive ses méthodes, assure quelques promotions et écarte d’emblée ses dissidents. Une exaltation pour la chose consulaire que beaucoup, plus préoccupés par le devenir de leurs exploitations que par celui des structures agricoles, ont bien du mal à comprendre. L’enjeu est pourtant de taille, car il scelle la représentativité des syndicats auprès des pouvoirs publics. Et peut faire basculer de l’ombre à la lumière et vice versa ceux qui remportent ou perdent ce scrutin. Pour mémoire, lors des élections de 2013, les listes FNSEA-JA ont remporté au plan national 55,57 % des suffrages contre 21,12 % pour la Coordination Rurale, 19,74 % pour la Confédération Paysanne et 2,04 % pour le Modef. Sachant que le taux de participation s’établissait à 54,34 % contre 66,40 % en 2007. Soit une dégringolade estimée à 12 %.
Derniers suffrages… ?
En pole position depuis des décennies, les listes FDSEA-JA, qui bénéficient bien souvent du soutien
traditionnel des organisations professionnelles, devront, pour ce millésime 2019, composer avec une approche sociétale de plus en plus verdoyante et quelque peu éloignée de leurs crédos traditionnels. Car ce que veut le consommateur, sans forcément se préoccuper de ce qu’il en coûte au producteur, conditionne désormais le débat agricole. Sur ce point, la Confédération Paysanne pourrait améliorer son score. À l’inverse et sur une ligne plus dure, la Coordination Rurale défend une agriculture rétive au discours écologique ambiant tout en dénonçant presque systématiquement le bilan des syndicats établis rue de la Baume et de la Boétie. Ce qui pourrait lui rapporter également quelques départements.
Enfin, reste à savoir ce qu’il adviendra des Chambres d’agriculture une fois qu’elles seront passées dans la moulinette des reformes jupitériennes, sachant que nous vivons peut être le tout dernier opus d’une aventure qui perdure depuis 1924. En attendant, que le meilleur gagne. Et, par avance, offrons-lui, empruntée à Paul Valery, cette charmante citation : “Toutes les parties de campagne finissent par des démangeaisons.”