L’antidote : Se souvenir des bons moments « La rareté des choses » (Par Jean-Paul Pelras)

C’était il n’y a pas si longtemps ? Nous vivions dans la rareté des choses. Souvenez-vous, pulls, pèlerines, gilets étaient détricotés et le fil enroulé sur le dossier de la chaise devant la cheminée avant de redevenir pelote et tricot à nouveau. Les cols de chemises qui passaient ainsi d’une génération à l’autre, étaient retournés. Les habits du dimanche, quand ils étaient trop élimés ou blanchis par le soleil des lessives, étaient réaffectés aux besognes quotidiennes. Les casseroles qui commençaient à accrocher servaient comme dessous de pot ou pour la gamelle du chien. On faisait ferrer les chaussures et réparer les cartables dans quelques petites boutiques de sous-préfecture. On gardait les boites, toutes les boites, pour ranger les vis et les clous. On donnait les épluchures aux poules et le pain sec aux lapins. Le crottin des chevaux finissait dans les jardinières. Le journal était glissé entre la veste et le torse pour protéger du vent quand nous prenions la mobylette. Les pinces à linge tenaient le bas des pantalons à distance des pignons et des chaines de vélo. Les chambres à air servaient de bouées à la rivière et serraient le foin sur les remorques. L’on utilisait des cordes à tout bout de champ jusque pour accompagner la solitude au bout des arbres abandonnés. Et les lames servaient à tailler dans l’aubier ce jouet que nous n’avons jamais osé jeter. Car, à part le grand père, personne d’autre au monde n’aurait été capable de le fabriquer.

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