Chronique champêtre : Dans les framboisiers … (Par Jean-Paul Pelras)

Avec les fraises des bois et les myrtilles, les framboises évoquent, bien sûr, les saveurs de l’enfance. Concernant les premières, disons qu’elles sont de plus en plus difficiles à trouver. Et ce, du moins en ce qui me concerne, à cause d’une certaine aversion pour la marche à pied. « Le sport m’a sauvé, disait Churchill, car je n’en ai jamais fait ». Savoureuse citation parfaitement adaptée dès qu’il s’agit de prendre ses distances avec les patrouilleurs, les pèlerins, les excursionnistes et les chemineaux. Mais revenons à nos framboises, mamelles du destin célébrées par ce cher Boby que nous récoltions équipés d’un récipient adéquat puisqu’il s’agissait d’un pot à lait. Fruits qui terminaient plus souvent leurs courses dans nos estomacs que dans la dite bonbonne en fer blanc. Pour ma part, j’associe le goût de ces rubus idaeus à mon enfance passée en Margeride. Quand, avec une fort mignonne apparentée, entre une croix en granit et les framboisiers, nous faisions exploser des bombes de laque. Celles qu’utilisaient les dames de la campagne pour se vaporiser les cheveux avant la messe du dimanche matin et le détour par la boulangerie. Je me souviens donc de cet instant et de ce train qui filait vers Paris dans le soir rouge. Je suis revenu sur les lieux. Plus de bombes de laque, plus de train, plus de framboisiers, plus de ciel rouge,  juste la croix. Et cette mémoire veuve qui nous isole dans une forme de subjectivité. Comme si une certaine dimension du bonheur dépendait d’un éclat de lumière dans un buisson de framboisiers.

Jean-Paul Pelras

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