La trêve du con-faiseur [par Gilles Tibié]
“Je trouve que dans tes chroniques tu tires sur les ambulances !” C’est ainsi qu’un “ami”, qui me voulait très certainement du bien, m’apostropha lors du déjeuner dominical de cette fin de semaine. Ce donneur de leçon m’encouragea : “Tu fais partie, comme moi, de la famille des humanistes”.
Il m’était facile de lui rétorquer que les “végans”, les “bobos”, “les féministes”, “les écolos”… Enfin toutes celles et tous ceux, membres éminents de la famille de “la bien-pensante”, que je brocarde dans ce fameux journal qui peut encore le dire, n’étaient non seulement pas des ambulances, mais avaient plutôt revêtu la panoplie de fossoyeurs de la pensée. Il m’était facile de lui démontrer que sous des prétextes totalement irrationnels, au nom du progressisme, cette minorité d’agitateurs font du terrorisme intellectuel, dans le seul but de se vautrer dans l’ivresse du pouvoir. Mais je me suis ravisé en l’assurant effectivement que, durant la trêve de Noël, ma prochaine chronique serait à la hauteur de ses attentes humanistes. Très bienveillante, altruiste et solidaire. À la mode de chez lui !
Je n’eus pas trop à réfléchir… J’observais, j’écoutais celui qui affirmait haut et fort qu’avec l’arrivée des fêtes il y a celle des bons sentiments… “L’humanisme, c’est nous” pérorait-il ! Mais au fur et à mesure que le temps passait, que le repas s’éternisait, que la fatigue s’amoncelait… Le réel se substituait au virtuel.
Vite, fuyons l’ami qui va mal, celui qui a perdu son emploi, celui qui a emprunté un temps un mauvais
chemin et s’est retrouvé mis au ban de la société, celui qui est gravement malade… Ils pourraient être contagieux !
Alors cher “ami” compatissant de loin, toi qui veut fonder des associations, donner de l’argent, sensibiliser aux catastrophes naturelles, tu es à la fois égoïste et altruiste. Sans te tacher l’âme, je n’en ai rien à faire de ta dictature du bonheur ! La vie est à prendre avec sa tristesse, sa colère, sa joie, sa culpabilité, son ennui, ses découvertes… Trêve des con-faiseurs, pardon des confiseurs, ou pas !
Promis j’arrête les repas dominicaux ! Trop stressant ! Et puis j’ai grossi…