La sieste (Par Jean-Paul Pelras)
Vous vivez quelque part dans le Midi, entre la vieille station service et la petite coopérative viticole. Le soleil tambourine. Il fait une chaleur sirupeuse. Un chien va seul d’une venelle à l’autre. Et vous êtes allongé dans la fraîcheur de cette chambre qui donne sur les vignes et sur l’ombre courte de ce champ d’amandiers. Seul le crépitement des cigales et celui d’une incessante friture d’insectes vient un peu perturber ce moment de grâce. Vous n’entendez rien d’autre, à part peut-être quelques bruits égarés de fourchettes tardives, le cri d’une buse et déjà, dans le ciel, celui de sa proie. Et vous pratiquez bien sur l’art de la sieste, celui dont les phases du sommeil correspondent aux fréquences électroencéphalographiques de notre cerveau. Avec le rythme bêta supérieur à douze vibrations par secondes, le rythme alpha pour la relaxation ou les rythmes thêta et delta pour l’endormissement. Vous avez le choix entre la sieste express de quelques minutes, la royale qui peut dépasser une heure trente ou la crapuleuse que la révérence m’interdit de développer ici. Enfin au chapitre des siestes célèbres citons celle de Salvador Dali qui tenait une cuillère entre le pouce et l’index et ne se réveillait que lorsque celle ci tombait sur le sol. Voilà, il ne vous reste plus qu’à baisser doucement les paupières non sans avoir fait taire au préalable le rebond du ballon contre la façade, la bétonnière du maçon amateur, le cri du nourrisson inconsolable, le transistor de votre voisin de plage et les pétarades de quelques vélomoteurs. Car il y a parfois plus insupportable que la chaleur !