La belle histoire…

Dans le midi, nous y sommes, alors si vous nous dites c’est un beau roman, on vous répond, c’est une belle histoire. Vous avez compris qu’on avait envie de parler de Michel Fugain.

Né le 12 mai 1942 à Grenoble, fils d’un père médecin et résistant, il grandit dans la campagne iséroise. Il abandonne ses études de médecine pour devenir cinéaste à Paris. À partir de 1963, il devient assistant réalisateur et suit des cours d’art dramatique. Il rencontre, à cette occasion, Michel Sardou, pour lequel il compose ses premières chansons. Puis, en 65, il écrit des mélodies pour Hugues Aufray et Dalida. Il rencontre ainsi son premier succès en 1967 avec “Je n’aurai pas le temps”. Pour les jeux olympiques d’hiver de Grenoble en février 1968, il compose l’hymne officiel “Sous un seul flambeau”. La notoriété est là, il écrit pour Dalida, Hervé Vilard, il est présent sur des galas avec Joe Dassin, Nicole Croisille… Il fait une tournée en Europe et Amérique latine, participe à des tournages etc., jusqu’en 1970.

Alors que le mouvement hippie se développe dans le pays, marquant la fin de l’époque yéyé, il crée, en 1971, le Big Bazar, une troupe de chanteurs et de danseurs habillés de vêtements amples et colorés, animés de l’esprit hippie et communautaire post-soixante-huitard. “Cette troupe idéale, je la voyais composée de jeunes gens… que le métier n’aurait pas déjà formatés, donc déformés. Sorte d’agglomérat de talents isolables, particuliers, de personnalités hors du commun… sans qu’ils soient forcément des génies…”, explique Michel Fugain. Le succès est au rendez-vous du premier album avec “Attention mesdames et messieurs”, “Fais comme l’oiseau”, “Une belle histoire” (n° 1 au hit-parade). Ça y est, le petit refrain vient de court-circuiter vos soucis, ça vit d’air pur et d’eau fraiche, chut… Dans un instant, ça va commencer, mais chut… Ils se sont trouvés au bord du chemin, sur l’autoroute des vacances… Ne luttez plus, ce saltimbanque vous entraine dans sa ronde. Et des tubes, il y en a : “Une belle histoire”, “L’oiseau”, “Allez bouge-toi”, “Tout va changer”, “La fête”, “Bravo Monsieur le monde”, “Chante… comme si tu devais mourir”, “Jusqu’à demain peut-être”, “Les Acadiens”, “Le vent se lève”, “Vis ta vie”. Pendant cinq ans, il enchaîne les succès et remplit plusieurs fois la salle de l’Olympia. En 1974, il concrétise son projet de comédie musicale au cinéma avec “Un jour, la fête”.

“L’espoir était important”

C’est en 1976 que cette aventure s’arrête, “Je crois qu’on ne s’étonnait plus les uns les autres… La magnifique aventure du Big Bazar nous avait gâtés. Nous étions repus. Nous n’avions plus faim”, résume Michel Fugain, les mœurs avaient évolués dans la société française : Le Big Bazar et son indécrottable optimisme allaient être rangés sur l’étagère des vieilleries. Il a toujours pensé que ces cinq années ont été énormément enrichissantes pour lui : “Le Big Bazar m’a apporté des joies immenses. C’est au sein de cette troupe que j’ai appris tout ce que je sais faire”. Mais, rétrospectivement, il estime qu’elle était profondément liée à l’état d’esprit d’une époque, celle de l’après mai 1968 : “La société était porteuse d’une espèce de folie, de joie de vivre… L’espoir était important”, dit-il plus tard.
Après l’aventure du Big Bazar, il continue de se produire, notamment en 1977 à l’occasion d’un grand spectacle donné au Havre pour lequel est créée la chanson militante “Le Chiffon rouge”, populaire dans les luttes sociales jusque dans les années 1980 et qui sert notamment d’indicatif à la radio lorraine “Cœur d’acier”. Il poursuit sa carrière en saltimbanque, jusqu’à devenir pédagogue avec la fondation de son atelier pour artistes aux studios de la Victorine en 1979.

Les décennies suivantes s’annoncent plus compliquées sur le plan tant professionnel que personnel. Il parvient néanmoins à sortir des albums solos et des singles comme “Les sud-américaines” en 79, “Viva la vida” en 86. En 1989, il sort un nouvel album intitulé “Un café et l’addition” avec les singles “Les Années guitare”, “Où s’en vont…”, dédié à Bruno Carette, qui avait un temps intégré le Big Bazar, ainsi que “Chaque jour de plus” et “Forteresse” en 1992… Il entame ensuite de nombreuses collaborations musicales, notamment avec la chanteuse belge Maurane, mais la mort de sa fille Laurette, en 2002, met un coup d’arrêt à sa carrière.

Chanteur populaire de variétés, flirtant parfois avec le jazz et la bossa nova, il n’hésite pas à exprimer ses convictions humanistes et libertaires à travers ses chansons. 
Même si au milieu des années 1980, il a été contraint de gagner sa vie en chantant pour des mariages, il a pu en dire après : “J’étais assez fier, finalement, comme les troubadours et ménestrels du Moyen Âge, de passer de festin en ripailles, attrapant au passage une bourse qu’un seigneur me jetait par-dessus la table. J’éprouvais un réel plaisir, et un peu d’orgueil, je l’avoue, à faire partie des gueux de notre métier et non des nobles frileux, soucieux de leur image”. C’est ce bel enseignement qu’il nous laissera, même si pour beaucoup, tant d’humilité ne pourra s’entendre.
Promu commandeur de l’ordre des Arts et des Lettres en 2009, il a vendu environ dix millions de disques en plus de cinquante ans de carrière.

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