Jean-François Imbernon : “Le monde rural est en train de perdre la main”

Voici l’homme. Fils de paysans, 1,98 mètre, 110 kilos, deux grands chelems (1977 et 1981). Une main posée sur votre épaule et les mots qui vont avec suffisent à vous protéger. Jean-François, l’ami, mais aussi le lecteur de l’Agri, nous livre son plaidoyer pour un monde agricole et rural malmené de toutes parts.

Pour commencer, transportons-nous du côté de Mouscaillou ou du Pla Guillem, quelque part entre le Très Estelles et le Canigou au bout de cette vallée de la Rotja où tu vécus jusqu’à tes dix-huit ans. Les racines sont là ; tu est resté, malgré ta carrière de rugbyman, un homme de la terre ?
Oui, mes racines, ma famille, mes amis sont là, sur ce territoire qui a malheureusement bien changé avec une agriculture qui a perdu beaucoup trop d’exploitations, beaucoup trop de paysans en si peu d’années. Les fruits, les légumes, la vigne… Regarde ce pays ! Tout a été divisé par deux ou par trois, l’importation, les concurrences déloyales, les friches… Un désastre. Je ne reconnais plus ce département !

Quel souvenir gardes-tu de ton enfance à Fuilla, à Sahorre ?
Mes parents étaient métayers. Ils produisaient 110 tonnes de pommes et possédaient 8 vaches. C’était une éducation paysanne. Pas de fantaisie, pas de superflu. C’est simple, tu faisais tomber une pomme, tu prenais un “calbot”. Pareil quand on ramassait les pommes de terre, tu laissais la grenaille dans le sillon, tu prenais un coup de pied au cul… Et puis il y avait la basse-cour, véritable garde-manger de la maison. Que de souvenirs… Je revois ma mère ouvrir les portes du poulailler le matin. Et tout le monde partait se promener dans les près. Le soir venu “petit, petit, petit…” et tout le monde au lit ! Quand tu as connu ça et que tu vois faire tous ceux qui ne supportent plus le chant du coq et le bruit des cloches… Enfin, il vaut mieux que je me retienne, je deviendrai grossier !

L’agriculture est aujourd’hui confrontée au discours des environnementalistes qui sont, entre autres, parvenus à imposer un menu végétarien obligatoire dans les cantines.
Ils nous prennent en otage en essayant de nous faire culpabiliser. Tout d’abord, il faut penser aux enfants issus de familles modestes qui n’ont pas toujours accès à la viande pour des raisons d’argent. Ensuite, je crois que chacun doit pouvoir faire ce qu’il veut. Nous n’empêchons pas les végétariens de manger des légumes. Qu’ils n’empêchent pas les autres de manger de la viande.

Le sujet du glyphosate alimente le débat sociétal et politique. Faut-il interdire le désherbant ?
Les agriculteurs ne font pas n’importe quoi. Ils connaissent leur métier. Personne, et surtout pas ceux qui passent leurs vies à donner des conseils, n’ira leur prendre la bêche des mains pour enlever la mauvaise herbe. D’ailleurs, depuis que les friches avancent partout où les paysans ont été contraints d’abdiquer, on voit le résultat. Des ronces et des genêts, les chemins qui se ferment, les murettes qui s’effondrent, le lierre qui passe par-dessus… Ceux qui veulent donner des leçons aux agriculteurs n’ont qu’à passer devant avec l’aixada, la pioche et le bigos. Les hectares à nettoyer ne manquent pas. Tout simplement parce que, pendant ce temps, les pays concurrents se sont posés beaucoup moins de questions.

Les mentalités changent. Que t’inspirent ces évolutions sociétales ?
Le problème c’est la disparition des valeurs. L’écart se creuse entre ceux qui sont sur le terrain, souvent depuis plusieurs générations, et ceux qui décident depuis leurs bureaux. Le lien qui unit le monde rural à la société est en train de s’effilocher. Car certains désertent la campagne alors que d’autres arrivent pour imposer leurs dogmes. Autrefois, nous fonctionnions avec la parole donnée. Aujourd’hui, il faut se méfier des procéduriers et de ceux qui sont plus souvent là pour prendre que pour donner. Le monde rural est en train de perdre la main. Et ce qui s’annonce dans nos campagnes n’est guère réjouissant.

Tu penses à la déprise rurale qui envahit progressivement l’arrière-pays ?
Bien sûr, avec des services publics qui disparaissent, des commerces qui ferment les uns derrière les autres, des maisons qui se vendent à des prix bradés, une offre de soins insuffisante, des problèmes permanents de liaisons téléphoniques et internet, des problèmes de transport, des infrastructures routières inadaptées… Nous avons un territoire à défendre, une identité à préserver. Et d’un hiver à l’autre les villages se vident. Tu le sais, nous avons fait ce que nous avons pu, chacun dans nos domaines respectifs. Mais désormais, le combat est derrière nous. Les jeunes doivent prendre le relais. J’espère simplement que nous serons encore quelques-uns à pouvoir les soutenir et à pouvoir les aider.

Propos recueillis par Jean-Paul Pelras

Une réflexion sur “Jean-François Imbernon : “Le monde rural est en train de perdre la main”

  • 6 décembre 2019 à 5 h 11 min
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    Merci Jean François Imbernon j’ai passé mon enfance dans une ferme maman avait un poulailler et au milieu du petit terrain poulailler elle avait planté des roseaux pour que la volaille s’abrite du soleil. C’était en ALGÉRIE mon père réfugié espagnol était métayer et Maman mère au FOYER.
    J’ai gardé les pieds sur TERRE. On ne peut pas voir le monde de la même manière selon qu’on soit né dans une tour ou près d’un champ d’une rivière ou de la MER. Parlons aux enfants de ces terres oubliées tu es un exemple de gentillesse je t’avais présenté un petit jurassien qui jouait au rugby il a gardé un souvenir de cette rencontre simple comme un bonjour mais inoubliable pour lui. La colère des jeunes et à écouter car le monde tel quel va dans le mur, les valeurs sont à réinventer avec les anciens. Les jeunes débordent d’idées pour sauver la. Planète la mer Les champs les arbres les animaux une partie d’eux sont très inventifs est l’espoir pour reconstruire le monde de Demain merci l’agri quand nous sommes rentrés de L’Algérie pour Villeneuve de la Raho à toujours traîné sur le bureau de mon père dans son bureau un drôle de journal pour une ado abonnée à Salut les copains. Je vais m’abonner à ce journal qui m’aidera dans mon jardin en plein ciel à St Jacques qui est resté comme un village un vrai quartier’

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