Herbicide Bonalan : le tribunal d’Internet s’est trompé [par Yann Kerveno]
Accusés à tort d’avoir commandité une vidéo de défense d’un herbicide, Interfel et Légumes de France ont eu toutes les peines du monde à rétablir la vérité.
Ainsi le journaliste vedette Hugo Clément, qu’on a l’habitude de voir sur les réseaux sociaux pour défendre les animaux et le véganisme, déboule sur twitter avec un scoop ! Il a débusqué les lobbies à l’œuvre, vous allez voir ce que vous allez voir. À l’origine de l’affaire, il y a une vidéo publiée par un influenceur sur Instagram. Pour ceux qui ne connaissent pas le principe, un influenceur est une personnalité qui s’est fait remarquer sur les réseaux sociaux et qui a pu constituer une audience importante, le plus souvent très segmentée. Dans le monde d’avant, on appelait cela un relais d’opinion. Donc, le dit influenceur, Johan Papz, dispose d’une force de frappe importante, 1,29 millions d’abonnés sur Youtube, 708 000 sur Instagram.
Il a publié la semaine passée une vidéo, sur Instagram donc, dans laquelle il est allé à la rencontre d’un agriculteur du Nord de la France qui fait part de ses interrogations dans le cadre de la procédure de reconduction de l’homologation d’une substance active par l’Union européenne, en l’espèce, le Bonalan. Le message c’est : si on nous enlève cet herbicide, on ne pourra plus travailler puisqu’il n’y a, selon l’agriculteur rencontré, aucune alternative pour les endives et salades. Omniscient, le journaliste débusque dans les propos des producteurs “le discours classique de l’industrie phytosanitaire” et décide de mener l’enquête. Il raconte ensuite avoir découvert que l’influenceur en question n’a pas produit sa vidéo par amitié et compassion comme il le prétendait mais qu’il a été recruté par une agence de communication belge, The Louise Company. Et dévide sa pelote, sur la base du brief de l’agence qu’il s’est procuré : c’est Interfel qui a payé le reportage.
Excuses ?
De suite, l’interprofession dément, mais le journaliste insiste et entend aller plus loin en annonçant que ce n’est pas Interfel qui a commandé la vidéo mais Légumes de France, une section spécialisée de la FNSEA. Le complot est découvert, les lobbies sont dans la place ! Le journaliste exulte. Un premier démenti de l’agence belge ne le convainc pas et pendant ce temps-là, les tweets tournent, sont repris, repartagés. Déboule dans le jeu Générations Futures qui se délecte de voir ainsi le lobby de l’agriculture conventionnelle pris la main dans le sac. Il faudra un second message de l’agence de communication pour qu’on apprenne, finalement, que ce sont les entreprises qui produisent le Bonalan qui ont réglé la note du reportage, et non l’interprofession ou la section syndicale des producteurs de légumes.
Vous imaginez bien alors que le journaliste et Générations futures se sont confondus en excuses pour avoir porté ces accusations à tort. Eh bien vous vous mettez le doigt dans l’œil. Le mal est fait, les articles publiés dans la presse qui relatent cette histoire n’ont pas été corrigés, les démentis sont restés lettre morte. “C’est très embêtant comme histoire” regrette Bruno Vila “et c’est un peu toujours la même chose, nous avons de moins en moins de produits pour travailler, cela augmente les distorsions de concurrence, cela met nos productions en péril et il vous tombe dessus un truc comme ça ou des gens qui ont plus de 600 000 followers peuvent dire tout et n’importe quoi en toute impunité !”