Gio de la Blanquerie : le “crack” Cerdan [par Yann Kerveno]
Gio de la Blanquerie porte cette semaines les couleurs de la Cerdagne aux championnats du monde de saut d’obstacles des jeunes chevaux. Une histoire incroyable pour la famille Clément d’Osséja.
Cette histoire pourrait ressembler à un conte de fées. Si elles existaient. Mais, en fait, c’est une histoire de cheval bien né dans un endroit incongru. Ou presque. Au commencement, il y a Osseja, la famille Clément, éleveurs de longue date, de bovins mais aussi, à la marge, de chevaux. Pour les vaches, le troupeau compte 100 mères blondes d’Aquitaine. Pour les chevaux, il y a des chevaux de trait bretons avec sept poulinières, des chevaux de sport, avec deux poulinières destinées à mettre bas des chevaux de saut d’obstacles. “On a des chevaux depuis les années 1980, c’est mon père qui les a fait entrer” détaille Baptiste Clément, “pour le reste, nous avons eu des vaches laitières jusqu’en 2011, elles ont été remplacées peu à peu par le troupeau allaitant que nous avions commencé en 1982, nous avons aujourd’hui une centaine de mères blondes d’Aquitaine.”
Alors, le cheval fait partie de l’élevage, ils aiment cela, ils vendent des animaux, ils travaillent en particulier avec le centre équestre de Font-Romeu mais, sans être un hobby, ce n’est pas la production principale, pas forcément celle dans laquelle ils pouvaient se projeter dans un succès retentissant. “Voilà, nous, nous sommes de petits éleveurs de chevaux, c’est surtout les vaches ici, nous ne faisons pas partie du « grand » monde du cheval” ajoute-t-il en riant.
Belle ascendance
Pourtant, le sort vient de leur donner un coup de pouce inespéré. Baptiste raconte l’histoire. “Nous devions acheter une jument pour remplacer une des deux que nous avions et en cherchant sur internet, je tombe sur Ashoka de Mars. Elle était dans un élevage de Normandie qui vendait tous ses chevaux suite à un accident survenu. Pour la vente, l’élevage avait fait inséminer toutes les juments et celle-là me plaisait.” Ni une ni deux, il appelle son père qui était en Mayenne, donc plus très loin de la Normandie, pour prendre part au congrès de la FNSEA, afin qu’il aille voir cette jument qui avait tapé dans l’œil de son fils. Quelques heures plus tard, l’affaire était entendue et conclue. “Mais comme elle était proche de pouliner, elle est restée encore quelques semaines dans cet élevage avant que nous allions la chercher avec son poulain, Gio de la Blanquerie.” Poulain qui partait, sur le papier, avec une ascendance prestigieuse, son père n’étant autre que Cornet Obolensky dont le nom fait frémir les paddocks lorsqu’il est prononcé et le père de sa mère Quick Star. Mais souvent, il y a un gouffre entre les papiers et la réalité.
Impressionnant
Arrivés au pied du Puigmal, les deux chevaux prennent possession de l’espace, le poulain grandit, s’ébroue dans les prairies, bref vit une vie de poulain. Mais il a quand même un truc différent que remarquent Baptiste et Émeline, sa compagne. C’est la capacité qu’il a à faire des bonds impressionnants. Ils envoient quelques vidéos à un collègue de promo de Purpan de Baptiste, Christian Janin, qui possède un centre équestre à Montpellier. Celui-ci est quasi convaincu sur vidéo, il devient copropriétaire de Gio de la Blanquerie et le ramène chez lui pour le débourrer et commencer son apprentissage. “Dès le premier test, il nous a appelés pour nous dire que c’était un crack, un cheval exceptionnel.” Depuis Gio a confirmé ses dispositions.
Christian Janin ne tarit pas d’éloges. “Je le connais bien maintenant, je l’ai depuis le débourrage, alors c’est vrai que c’est très impressionnant. L’année de ses quatre ans, il a fait huit sans faute dans les concours auxquels nous avons participé, l’année de ses cinq ans, il a fait deux fautes seulement, c’est quand même très très rare” souligne-t-il. Ce sont ces résultats qui lui ont valu cette sélection inespérée aux championnats du monde des jeunes chevaux. “C’est extraordinaire” ajoute Baptiste qui n’en revient toujours pas. “Vous imaginez, il y a de grands élevages qui courent après cela toute leur carrière sans y parvenir, et ça nous tombe dessus à nous, les petits éleveurs de Cedagne. En plus, c’est le premier poulain d’Ahsoka… Bref ça n’était jamais arrivé dans le Sud de la France.” Il renvoie même à l’histoire glorieuse de Pierre Jonquères d’Oriola et de son prodigieux cheval, Lutteur B qui lui permit d’accrocher sa deuxième médaille d’or olympique.
Formidable coup de projecteur
En début de semaine, Gio de la Blanquerie, Christian Janin, Émeline Ribot et Baptiste Clément ont donc pris le chemin de Laneken, en Belgique. Et y vivront, presque étourdis, quelques jours dans un monde qu’ils n’avaient jamais espéré côtoyer. “C’est fou le destin de ce cheval, c’était notre poulain, il était là dans nos prés, on allait le voir” ajoute Emeline. Et qu’attend le cavalier ? “S’il va là-bas, il peut gagner. C’est parce qu’il fait partie des 10 meilleurs Selle français de sa génération, mais les 100 chevaux sélectionnés sont aussi très bons. Mais il est très bien, très rapide, si tout se goupille bien, oui il peut gagner” espère-t-il à haute voix. “Mais il faudra aussi que je sois au top de mon côté” sourit-il. N’est-ce pas d’ailleurs intimidant, quand on est cavalier, de monter un cheval autant pétri de talent ? “Non, c’est surtout très plaisant, mais ses facilités nous rendent aussi exigeants à force. On est forcément un peu déçu s’il fait une petite faute, alors qu’on n’y prêterait pas forcément attention avec un autre cheval.”
Gio étant, de l’avis de ses propriétaires, particulièrement bon quand les choses sont ardues, difficiles de ne pas y croire ! Mais ce sera surtout un formidable coup de projecteur sur l’élevage et cette lignée générée par Ahsoka. Elle a pouliné quatre fois depuis. Et Baptiste Clément de préciser d’emblée “à priori, nous ne sommes pas immédiatement vendeurs, nous préférons attendre qu’il ait six ans et, de toute façon, nous ne le vendrons qu’à un cavalier qui saura le faire briller, pas à un fils à papa qui fera trois pauvres concours par-ci par-là.”