Europe : gel, gestion des risques, réforme de la PAC…

Les fortes gelées du début avril ont mis en lumière la vulnérabilité des exploitations agricoles face aux risques climatiques, mais ces derniers ne doivent pas masquer les autres risques sanitaires et environnementaux ainsi que celui de la volatilité des prix, qui ont des conséquences sur la viabilité durable (à tous les sens du terme) des exploitations agricoles. Au-delà de la gestion de cette crise exceptionnelle par son étendue géographique et les dégâts sur de nombreuses cultures, cette situation invite à s’interroger sur la gestion des risques en agriculture à l’heure de la fin des négociations sur la PAC 2023-2027 au niveau des institutions européennes et de l’élaboration du Programme stratégique national (PSN) en France. Tout ne sera pas résolu avec cette nouvelle génération de programmes, projetons-nous d’ores et déjà sur les prochaines réformes !

Du côté de la PAC…

Il est encore temps de faire évoluer le paquet législatif 2023-2027. Sur la gestion du marché et les mesures exceptionnelles en cas de crise, les négociations n’ont pas encore abouti. Le Parlement européen s’est montré plus interventionniste dans la gestion du marché et des crises, alors que la Commission européenne et le conseil des ministres insistent davantage sur la nécessité de maintenir l’orientation vers le marché, le respect des règles de l’OMC et l’impact budgétaire des mesures de gestion. Exemple : des contributions et/ou amendements ont été portés pour améliorer l’article 70 du règlement “Plans stratégiques”. Ils plaident sur le maintien des avancées du règlement “omnibus” concernant le seuil de déclenchement à 20 % (au lieu de 30 %) mais surtout sur l’allongement de la période de référence. Il faut les soutenir !
Au niveau du PSN, la France devrait s’aligner sur le taux maximum de 70 % des coûts éligibles et utiliser l’ensemble des possibilités offertes dans la définition des conditions d’admissibilité comme l’établissement et la gestion des fonds de mutualisation. Ainsi, puisque certaines cultures comme la viticulture sont désormais exclues du régime des calamités agricoles, pourquoi ne pas envisager un fonds de mutualisation “aléas climatiques complémentaire du fonds national agricole de mutualisation sanitaire et environnementale (FMSE)” ?
Concernant la déclinaison des aides du FEADER pour les investissements “préventifs” les moyens doivent être au rendez-vous et les aides pour la gestion de l’eau doivent être renforcées (les dispositifs d’aspersion et/ou d’irrigation ont montré leur efficacité, tant pour le gel que pour la sécheresse) en complémentarité et en cohérence avec l’appel à projet dédié du Plan de relance(1).

Et des différents dispositifs de gestion des risques

L’aide à l’assurance récolte consiste en une prise en charge partielle (au maximum 65 %) par le FEADER de la prime ou cotisation d’assurance multirisque climatique souscrite par un exploitant agricole. Elle vise à inciter les agriculteurs à s’engager dans une démarche de gestion des risques climatiques sur leur exploitation. Depuis 2016, de nouveaux contrats d’assurances sont proposés aux exploitants avec pour objectif le développement d’un socle minimum de protection pour chaque type de filière et d’exploitation avec trois niveaux à partir d’un contrat socle.
Le document de présentation réalisé par le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation sur l’assurance récolte pour la campagne Telepac 2021 présente le dispositif, mais il illustre aussi par des simulations le coût résiduel d’assurance après subvention par ha du régime d’assurance (468,50 €/ha pour une exploitation arboricole contre 11,50 € pour un contrat d’assurance par groupe de cultures couvrant notamment sa production en blé tendre(2)). Faut-il s’étonner que si peu d’arboriculteurs aient franchi le cap alors que, dans le même temps, l’ouverture aux DPB (droits aux paiements de base) ne date que de la dernière réforme ?
Le coût n’est pas le seul frein : les clauses d’un contrat standard sont encore trop peu attrayantes (seuil de déclenchement trop élevé, franchise établie entre 20 et 30 %, période de référencement…).
Il faut, pour les filières concernées, travailler sur le maintien et la complémentarité avec le régime des calamités agricoles auxquels les agriculteurs contribuent et qui doit être maintenu et amélioré (il doit rester en vigueur comme instrument de la solidarité nationale). Il est donc nécessaire de réunir autour d’une table l’ensemble des intervenants (Union européenne, État, Régions, assureurs et agriculteurs…) pour mettre un place un système durable, mutualisé entre toutes les filières et éventuellement accompagné d’un système de co-réassurance. Enfin, il est urgent de réfléchir à la mise en place d’un fonds mutuel de stabilisation des revenus lié aux ETPs par exploitation.

Claire Sarda-Vergès
ADRET – Europe Direct Pyrénées
www.europedirectpyrenees.eu

(1) Aide aux agroéquipements nécessaires à l’adaptation au changement climatique.
(2) Il faut cependant reconnaître que le capital assuré par hectare est différent.

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