P.-O. : le préfet dans les vignes [par Yann Kerveno]

La traditionnelle tournée des vendanges a marqué la prise de contact officielle du nouveau préfet avec le monde viticole et plus généralement agricole des Pyrénées-Orientales, dans un contexte très particulier.

Le nouveau préfet des Pyrénées-Orientales connaît un peu les questions liées à la viticulture et pour cause : jusqu’à présent Thierry Bonnier officiait dans l’Aude. Pour autant, cette première tournée des vendanges dans les P.-O. pourrait se révéler, l’histoire le dira, fort singulière. Comme tous les ans lors de cette journée, un point fut fait sur la vendange qui s’achève. Avec des chiffres sans surprise par rapport aux prévisions de l’été : 23 hectolitres à l’hectare en moyenne que multiplient 18 000 hectares, elle pourrait être légèrement supérieure à 400 000 hectolitres sur un potentiel, théorique, de plus de 650 000 hectos. Les causes sont connues, sécheresse depuis deux ans avec la moitié des précipitations habituelles, du gel, un peu, plusieurs passages de grêle et des températures supérieures à la moyenne, plus deux degrés cet été, qui viennent mettre le végétal à rude épreuve. Et les vignerons et leurs responsables en stress. Comme c’est de tradition, chacun prêche pour sa paroisse devant le préfet, explique.

Voir enfin l’eau couler

Hôte du jour, Patrick Mauran, président de la cave de Terrats, rappelait au préfet que les Aspres attendent un projet d’irrigation portant sur 350 hectares depuis plus de 10 ans. “Il serait bon que les vignerons qui ont appuyé ce projet porté par la communauté de communes soient encore là pour voir la première goutte couler” ironisait-il en substance. Pour la coopération, Guillaume Ribes insistait lui aussi sur la nécessité impérieuse d’avancer sur le dossier de l’eau pour les vignerons indépendants et la mise en place de systèmes de chômage partiel pour les coops. Guy Jaubert rappelait que ses adhérents avaient investi 5 M € cette année et qu’il fallait accentuer les efforts à l’exportation où la consommation se développe. Ce qui lui valait réponse de Stéphane Zanella, présentant, au nom du CIVR, les tendances du commerce : “l’export, c’est bien, mais 85 % des vins du Roussillon sont consommés en France.” “Votre rôle, c’est de nous aider pour éviter des drames” interpellait ensuite David Drilles, président du Syndicat des vignerons, “il faut faire jouer la solidarité nationale, parce qu’avec ce que nous avons vécu ces dernières années, on ne parle plus, comme avant, de survie, mais bien de mort du vignoble. Et que restera-t-il de ce département si le vignoble disparaît ?”

Département pilote

Il enjoignait ensuite Hermeline Malherbe et Judith Carmona de convaincre le Département et la Région “de mettre la main à la poche pour aider les
vignerons à passer le cap”. Au-delà du contexte économique, il faut aussi naturellement poser la question de l’eau, longuement abordée par Fabienne Bonet, présidente de la Chambre d’agriculture des Pyrénées-Orientales. “Nous sommes confrontés, sur les questions de stockage par exemple, à des blocages réglementaires qui nécessitent aujourd’hui de passer outre” détaillait-elle. “Le cas des Aspres est emblématique, il y a 350 hectares irrigables, 334 sont déjà fléchés, l’eau provient du canal de Thuir et de la frange qui retourne à la Basse. Et sur ce canal, il y a eu 3,5 millions de mètres cubes économisés, dont 800 000 m3 en période d’étiage alors que les besoins de ce réseau sont de 350 000 m3.” Appelant à faire, comme cela a été évoqué depuis le début de l’année, des Pyrénées-Orientales un département pilote du changement climatique qui permettrait d’élaborer des stratégies duplicables ailleurs et plus tard, elle insistait : “Il faut que des lignes de crédits d’investissement échappent aujourd’hui à la doctrine de l’Agence de l’eau qui ne finance que ce qui concerne les économies d’eau !”

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