Emploi : mieux rémunérer “ceux qui travaillent” [par Thierry Masdéu]

L’intention de revaloriser les salaires de 6 % à 9 %, annoncée en début de mois par Thierry Grégoire, président de la branche “Saisonniers” de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (UMIH) n’est pas passée inaperçue. En corollaire, les responsables professionnels s’interrogent sur l’efficacité des dispositifs censés motiver le retour à l’emploi.

À moins d’un mois de la prochaine table des négociations entre le ministère du Travail, les partenaires sociaux et les syndicats patronaux, cette annonce majeure parmi d’autres, qualifiée pour certaines organisations patronales de prématurée, de non concertée pour d’autres, témoigne de l’urgence de ces métiers en souffrance de recrutement et fidélisation de leurs effectifs. Une évidence, les chiffres nationaux font état de plus de 200 000 employés qui ont déserté la profession suite aux conséquences de la crise sanitaire. Alors cette proposition, jugée maladroite dans son explication selon les dires du président de UMIH 66, Brice Sannac, est sujette à être accompagnée de contreparties. “On n’a peut-être pas assez informé nos adhérents, c’est sûr ! Mais rien n’est gravé dans le marbre, il va y avoir d’autres consultations et, à la table des négociations, nous sommes tous des patrons responsables qui n’ont aucun intérêt à mettre le feu dans les entreprises !” tient à préciser, rassurant, le représentant départemental de l’UMIH. “Ces efforts d’augmentations du salaire ne pourront se faire que si l’État, de son côté, baisse les charges sociales et patronales ! Car comment fidéliser nos équipes en continuant à assumer un coût du travail le plus cher d’Europe ?”

Si ces accords se concrétisent, les augmentations devraient concerner dans un premier temps les plus bas salaires, comme par exemple le SMIC hôtelier qui, rappelons-le, est déjà supérieur au SMIC. Interrogé sur la possible transposition de cette annonce sur les salaires de l’artisanat, Robert Massuet, président départemental de l’Union patronale des artisans (UPA66) est très dubitatif sur une viabilité de ces taux d’augmentations. “Il est possible que, pour certaines de leurs branches professionnelles, ils aient ce besoin pressant de majorer les salaires pour compenser la pénibilité fluctuante des horaires mais, en ce qui nous concerne, ces niveaux de hausses ne sont pas possibles. Il est vrai que, par exemple dans les métiers du bâtiment, durant de nombreuses années, nos grilles de salaires étaient bien inférieures à celles du national et du régional, mais aujourd’hui, nous sommes au même niveau que le régional et légèrement en dessous du national !” explique le représentant départemental des artisans, faisant remarquer que le coût de la vie dans notre département est bien plus avantageux que celui d’un salarié d’une grande ville.

“Il est déraisonnable qu’actuellement on puisse presque mieux gagner sa vie en ne travaillant pas qu’en travaillant !”

“Mais le contexte économique actuel d’après Covid-19, les hausses vertigineuses des matières premières, la réduction des marges, la problématique du recrutement de main d’œuvre et la concurrence transfrontalière, font que nos entreprises ne peuvent pas envisager des augmentations de salaires avec des pourcentages aussi élevés !” Toutefois, et sans concertation, les deux présidents soulignent l’attachement de leurs adhérents à mieux rémunérer les bons éléments et ne cachent pas leur amertume sur le montant trop élevé des indemnités chômage. “Il est déraisonnable qu’actuellement on puisse presque mieux gagner sa vie en ne travaillant pas qu’en travaillant ! Je veux simplement soulever que lorsque l’on travaille et que l’on est juste au-dessus du seuil des minima de revenus, et bien on n’a droit à rien ! Aucune aide pour faire garder les enfants, aucun chèque énergie, etc.” souligne avec agacement Brice Sannac. “Alors que si on est bénéficiaire des minimas sociaux et bien on a droit à plein de petites aides qui viennent se greffer en plus !” Une position partagée par Robert Massuet, qui martèle que seul le travail doit rapporter lorsqu’il est exercé. “Aujourd’hui, le gros problème c’est qu’il faut remettre les gens sur le chemin du travail ! Dans le bâtiment, chaque entreprise petite ou grande a besoin de recruter et l’aberration est telle, qu’elles en sont à un point où elles se demandent si elles doivent accepter ou pas tel ou tel chantier !” colère le président de l’UPA 66.
“Et avec le nombre de personnes qui sont sur le marché de l’emploi, il faut absolument les former en priorité et ne pas venir me dire qu’il faut aller recruter de la main d’œuvre à l’étranger !” Une même ligne de défense pour ces présidents que confortent les derniers chiffres Pôle emploi du deuxième trimestre, publiés par l’INSEE*, où les Pyrénées-Orientales affichent 12,4 % de chômage avec plus de 54 000 inscrits…

*https://www.insee.fr/fr/statistiques/2012804#graphique-TCRD_025_tab1_departements

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