Bonjour l’angoisse [par Gilles Tibié]
Je suis malheureusement retombé dans mon travers nostalgique en visionnant dernièrement une nouvelle reprogrammation du film “La gloire de mon père”. Perdu dans mes souvenirs, je n’avais aucune difficulté pour me rappeler les bons moments passés à l’école maternelle Alphonse Daudet, puis à l’école primaire des garçons Frédéric Mistral puis, après 1968, à l’école “mixte” Marie Curie. Je souriais à la vue de mon cahier de classe tapissé de taches d’encre, j’humais l’odeur des feuilles mortes qui se consumaient au fond de la cour, j’espérais déceler quelques vols de grives ou de palombes au travers des vitres en caressant l’espoir, malgré les taches d’encre, de pouvoir accompagner mon père dans ses mystérieuses garigues. Le coup de règle ferme mais bienveillant qui claquait sur le bureau de nos “précepteurs” de l’école publique avait le don de remettre les idées en place du plus récalcitrant des trente galopins.
Le bip strident de mon smartphone eut d’autant plus le don de passablement m’énerver, le message d’alerte qui apparaissait relatant l’agression d’une enseignante par un élève à Combs la Ville en Seine et Marne. Au revoir rêveries et souvenirs ! Bonjour l’angoisse !
Tout le travail, l’engagement et les valeurs véhiculées par ces maîtresses et maîtres d’un autre temps a été ringardisé durant de trop nombreuses décennies avec comme point d’orgue l’assassinat de Monsieur Samuel Paty.
Le mammouth…
Désormais l’école que les moins de quarante ans ne peuvent pas connaître est révolue. Le respect dû aux “sachants” a été remplacé par celui réclamé par une génération de petits cons irrespectueux et surprotégés par des parents démissionnaires, une administration adepte du “hashtag pas de vague” et un pouvoir politique qui depuis de trop nombreuses années prêche dans le désert.
Souvenons-nous du dégraissage du mammouth préconisé en son temps par Claude Allègre. Depuis, le pachyderme n’a non seulement pas été mis au régime mais la nourriture que lui ont servi, à tour de rôle, les différents ministres de l’Éducation est tellement indigeste que, à force d’accommodements et de renoncements, notre système éducatif n’est que le produit, l’anomalie émergente, d’un système politique qui n’a pas voulu remettre en question ses vaches sacrées. Maintenant, elles nous explosent en pleine figure.
S’il faut pousser cette implosion jusqu’au bout… Qu’adviendra-t-il ? Retrouver confiance en l’avenir ? Risquer de faire perdurer l’angoisse du futur ? En même temps… Avons-nous le choix ?