Et maintenant, que vais-je faire ? [par Jean-Marc Majeau]

Gilbert Bécaud chantait le cri de désespoir d’un homme qui, au soir d’une illusion perdue, d’un amour enfui, croyait avoir perdu son avenir. À la différence de Monsieur 100 000 volts, je ne peux pas prétendre avoir perdu quoique ce soit au terme de cette pitoyable campagne électorale. Non, mon dilemme vient plutôt de savoir ce que sera la suite, non pas “sans qui” mais “avec qui”. Car là est bien la question ! Alors, comme toute bon élève contraint de résoudre une équation, je vais, ainsi que me l’enseignèrent mes vénérés “maîtres d’école”, poser les données du problème.

Alors voilà : j’ai, d’un côté, sans présumer de la latéralisation, un candidat, et de l’autre, une candidate. Nous allons essayer de définir ce qui les caractérise et ce qui les distingue. Le premier, honneur à son rang social, est le tenant du titre. Il est énarque, président en exercice. Il achève une période de 5 ans de pouvoir, dont il se refuse de faire le bilan. Il a décidé de ne pas, non plus, nous livrer la moindre profession de foi. Pour en dessiner le profil, nous devrons donc nous appuyer sur ce qu’il nous a dit qu’il ferait lors de son intronisation, et ce qu’il a fait vraiment. À priori, sur les grandes lignes, il n’aura tenu aucun de ses engagements, hormis celui de pulvériser les partis en place, ne se laissant comme adversaire que le RN. On a du mal à analyser ses réformes puisqu’il n’en a mené aucune.

Analysons donc le personnage. Ne consentant jamais au moindre mea-culpa, il aime décider seul, imposant ses visions comme autant de solutions aussi uniques qu’indiscutables. Il a, durant 5 ans, affirmé son mépris pour ses concitoyens, n’hésitant pas à déclarer publiquement que son projet était “d’emmerder” ceux qui refuseraient ses ordres, notamment au sujet de la vaccination massive. Il est adepte du respect aveugle de l’ordre, de la répression policière, de l’allégeance de la justice ainsi que de l’interdiction des récriminations publiques. Il réfute le terme de “violences policières”. Il aime avoir les médias à ses ordres et n’apprécie les débats que lorsqu’il les dirige, répondant aux questions qu’il a, seul, le droit de s’auto-poser. Ami des banquiers, des grandes fortunes, des paradis financiers et de ceux qui les utilisent pour “optimiser” leur fiscalité, il est un fervent défenseur de l’Europe libérale et commerciale. Il aime les cabinets conseils venus de l’étranger, est hostile aux aides pour ceux qui “ne sont rien”, sauf en contrepartie d’une activité d’intérêt public, travail obligatoire payé à un tarif inférieur au salaire minimum légal. Il propose de repousser la retraite à 65 ans, mesure à laquelle il était hostile il y a seulement 5 ans. Il aime vendre des armes aux dictateurs du golfe, mais, depuis peu, ne veut plus commercer avec celui qui dirige la Russie.

Entre une droite extrême libérale, européenne et élitiste et une extrême droite xénophobe et souverainiste

Voyons maintenant son adversaire. Outsider, déjà battue lors d’un premier combat, il s’agit d’une candidate rompue aux joutes électorales, qui furent et restent sa seule et unique source de revenus professionnels. Issue d’une famille nourrie à la mamelle des fonds publics, elle prône une nation forte, respectueuse des protocoles, d’une identité pure, “caucasienne” au sens “américain” du terme, à savoir blanche. Pour être plus précis étymologiquement, on peut parler de “race aryenne”… En tous cas, elle n’est pas favorable à la race “saharienne”… Hostile aux croyances impies et aux signes religieux non conformes aux désirs du Pape, elle aime les chats et, comme eux, conçoit la mer comme une frontière naturelle infranchissable ne s’offusquant pas que le milieu marin soit devenu un cimetière à ciel ouvert pour les exilés hydrophobes à la peau mate et aux cheveux crépus. Elle prône un État fort, une police sans faiblesse, une obéissance régulée et une uniformisation du phénotype de la population française. Elle ne parle plus de rétablir la “peine capitale”, mais il est possible qu’elle y soit, au fond, favorable. Elle n’aime pas l’Europe mais n’a pas de modèle alternatif à proposer.

Au total, j’ai donc deux choix : une droite extrême libérale, européenne et élitiste. Et une extrême droite xénophobe et souverainiste. Si je vote pour la première, j’en serai félicité au nom de… Je ne sais pas quoi. Si je choisis la seconde, je serai conspué, traité comme un paria par tout le facho-centrisme bien pensant. Stratégiquement, la meilleure option serait de voter pour la seconde pour limiter l’écart final et éviter d’avoir à supporter la suffisance qui succéderait à l’élection trop large du champion sortant, irrémédiablement sourd aux récriminations qui suintent dans les résultats du premier tour. Pourtant je ne le ferai pas. Je ne choisirai pas entre deux projets qui ne sont pas dignes de ce que je crois devoir être une société. Aucun ne m’assurant ni la liberté, ni l’égalité, ni la fraternité ! Je voterai Jean Lassalle !

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