Écophyto : l’exercice est formateur [par Yann Kerveno]

Revenant sur les critiques de la fin d’année sur le plan Écophyto, et son coût, Ludovic Combacal invite à ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain.

IL se dit beaucoup de choses et pas mal de bêtises, sur les produits phytosanitaires. Récemment, ce sont les errements du plan Écophyto qui étaient pointés du doigt par la presse. Pour autant, si ce plan, largement financé par l’État, n’a pas abouti à une baisse en valeur absolue de l’emploi des produits phytos, c’est parce qu’au fil des années ceux-ci ont évolué, de nouveaux, souvent moins “agressifs” et/ou efficaces, sont venus remplacer les spécialités écartées pour leur dangerosité. Mais la question des produits phytos ne se résume pas à ces bilans comptables. Il est aussi question de mentalité. Il y a plus de 10 ans maintenant, Ludovic Combacal, producteur d’artichauts en Salanque, a participé au lancement du programme Écophyto dans le département des Pyrénées-Orientales.

Huit fermes

“Nous avons alors constitué un groupe de huit fermes, presque toutes sur l’artichaut, rassemblées dans une association, pour travailler sur ces questions. C’était lié aussi à nos réflexions, sur le développement des filières de qualité. C’était une époque où nos calendriers de traitement étaient prévus à l’année” se souvient-il. Et, quoi qu’il arrive, les traitements étaient appliqués suivant le calendrier, sans que question se pose. Les temps changeants, il fallait évoluer. “On sentait venir le virage législatif donc, dans ce groupe, nous échangions sur nos pratiques, avec deux idées en tête : réduire l’emploi des produits phytos et, en même temps, ne pas perdre de revenus.” Si les échanges ont été fructueux, ils n’ont toutefois pas abouti regrette le maraîcher de Torreilles. “Pour savoir si on perdait ou non, il fallait faire les comptes, et nous n’avons pas eu accès aux comptes des entreprises, c’est quelque chose qui ne se partage pas facilement.” Mais l’exercice aura été formateur.

Nous avons appris à attendre

“Cela a amené tout le monde à réagir, à s’interroger sur la conduite des cultures, si 800 millions d’euros, ce qu’a coûté Écophyto, ont servi à faire prendre conscience qu’il fallait évoluer, alors ce n’est pas du gaspillage, loin de là” juge-t-il. Il se souvient ainsi des pucerons autrefois traités dès les premiers signes. “Nous avons appris à attendre, à travailler avec les auxiliaires, appris à ne pas nous affoler, pour comprendre que ceux qui supportaient le début de l’attaque n’étaient plus embêtés par les pucerons de toute la campagne. Un résultat que les stratégies de traitement n’atteignaient pas.” Cela a aussi accéléré la réflexion sur le matériel végétal. “Dans l’IGP, en utilisant nos variétés, nous avons divisé par six l’emploi des fongicides, parce que les plantes sont adaptées à nos conditions.” Alors qu’avec les hybrides, c’est plus compliqué à gérer. “Aujourd’hui” ajoute-t-il, “cette démarche Écophyto a servi à l’ensemble des agriculteurs, on utilise des produits de biocontrôle, ou des produits autorisés en bio si on est en conventionnel…”

Nouveau groupe, nouvelle ambition

La fin du premier plan Écophyto n’a toutefois pas découragé les plus intéressés du groupe. “Aujourd’hui nous sommes 11 dans ce groupe de travail” poursuite Ludovic Combacal. “Nous avons toujours les mêmes objectifs, continuer à réduire l’usage des intrants. Le groupe est plus étoffé, plus divers aussi, il y a des maraîchers, des producteurs bios, des gérants de productions, et nous sommes tombés d’accord pour ouvrir nos livres de comptes. Nous allons donc pouvoir réellement travailler pour déceler les marges de progrès qui nous restent à conquérir.” Histoire de rappeler qu’en la matière, un claquement de doigts ou une incantation n’apportent aucune solution.

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