Dinguerie ! (Par Jean-Paul Pelras)

Le 16 novembre dernier les 27 pays membres de l’Union européenne ont donc décidé de prolonger l’autorisation de commercialiser le glyphosate jusqu’en 2033. La France et l’Allemagne se sont abstenues. Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique, n’a vraisemblablement pas apprécié ce qu’il qualifiait au micro de France Inter de “dinguerie” : “J’aurais préféré que notre position prenne la forme d’un vote contre plutôt qu’une abstention. La position d’autoriser tous les usages pendant dix ans est une dinguerie.” Et le ministre de rajouter : “Ce vote ne va rien changer pour nous. La France va continuer à interdire des usages du glyphosate et à restreindre son utilisation”. Ben voyons, plus royaliste que le roi, plus européen que l’Europe, plus légaliste que la loi. Et ce, alors que, pendant ce temps, nos concurrents se frottent les mains et vont continuer, comme ils le font d’ailleurs avec de nombreux produits interdits dans notre pays, à juguler leurs coûts de production, à développer leur compétitivité.

Les distorsions économiques, fiscales, sociales, environnementales au sein même de l’Europe ne suffisaient pas. Voilà que le zèle franco-français en rajoute une couche et encourage le maintien d’une agriculture européenne à deux vitesses. Après le fiasco et la non fiabilité avérée des tests Elisa auxquels se sont prêtés les “pisseurs de glyphosate”, parmi lesquels quelques célébrités et autres journalistes, l’expertise des agences sanitaires européennes a permis de dédouaner le désherbant. Malgré cela, malmenée 365 jours par an par les lobbies environnementalistes, l’agriculture française est toujours stigmatisée avec des images montrant des pulvérisations d’herbicides, sur des arbres fruitiers ou sur de la vigne notamment, diffusées en prime time, y compris sur des chaines du service public. Car si la toxicité du désherbant n’est pas avérée, celle de la désinformation anxiogène n’a jamais été aussi prégnante.

Car nous en sommes là …

De Marine Tondelier à Camille Étienne, en passant par Yannick Jadot, Pascal Canfin, Sandrine Rousseau ou Lena Lazare, qui se définit sur X (Tweeter) comme “Activiste écolo chez South For Climat France, engagée contre l’agro-industrie” mais aussi chez “Les soulèvements de la terre” et prépare son “installation paysanne en grandes cultures”, tout le ban et l’arrière ban de l’écologie tacle la décision européenne, sans toutefois emprunter la place de l’agriculteur. Autrement dit, en lui prenant des mains l’outil qui viendrait se substituer au désherbant et qui serait susceptible de maintenir quantitativement et qualitativement notre suffisance alimentaire. Lena Lazare qui écrit : “Je bosse déjà dans une ferme bio qui nous nourrit sans détruire le vivant. Pas besoin d’être installée pour constater qu’une autre agriculture est possible…”

Car nous en sommes là, avec des gens qui n’ont jamais été confrontés à la réalité du terrain, qui n’ont jamais eu à rembourser l’emprunt, qui n’ont jamais eu la moindre obligation de résultats, qui n’ont jamais eu à lutter contre l’effondrement des mercuriales, l’espèce invasive ou le caprice des éléments. Oui, nous en sommes là, finalement, où l’irresponsabilité matinée d’idéalisme monopolise insidieusement le débat, dans cette “dinguerie” où activistes et ministres finissent par se rejoindre pour parler bruyamment de ce qu’ils ne connaissent pas.

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