Délais d’attente : les artisans ambulanciers ruent dans les brancards ! [par Thierry Masdéu]

Si pour un patient la durée d’attente est toujours pénible, avant d’être pris en charge au service des urgences d’un établissement de santé, elle devient économiquement insupportable pour les professionnels du transport sanitaire.

Une situation, essentiellement due à un manque de médecins et de lits d’aval, qui ne semble pas s’améliorer et devient chaotique lorsqu’il y a simultanément un afflux exceptionnel d’admissions. Dernièrement, l’hôpital de Perpignan en a encore subit les conséquences, obligeant une dizaine de patients sur brancards, sapeurs-pompiers et ambulanciers à patienter aux portes des urgences.

Un blocage au niveau des entrées prioritaires pour ces professionnels qui, en temps normal, n’a pas lieu d’être et qui témoigne de la dégradation des services dont pâtit le secteur de la santé. Cet épisode du 30 septembre dernier, dénoncé en vidéo sur “Tik Tok” par le syndicat CGT des sapeurs-pompiers du SDIS 66, se rajoute à une lettre de mise en garde des artisans ambulanciers adressée quatre jours plus tôt à l’attention des directions des hôpitaux et cliniques des P.-O. (voir encadré). Avec comme objet “Fin des abus sur les délais d’attente”, ce courrier des présidents de l’ADRU66 (Association départementale de réponse à l’urgence) et du SDAA66 (Syndicat départemental des artisans ambulanciers) rappelle les engagements contractuels, actés par convention, qui fixent à quinze minutes maximum le temps d’immobilisation de l’équipage et du véhicule. Un délai de prise en charge du patient qui n’est pas souvent respecté et menace l’équilibre organisationnel et financier de ces entreprises.

Patrick Jalabert, président de l’ADRU66. (photo Ambulances Patrick Jalabert)

“Si la situation ne se régule pas, nous allons devoir très certainement passer à une facturation auprès de l’établissement en charge du patient. Sans évoquer un record de cinq heures d’attente, des épisodes entre deux heures, une heure ou trois quarts d’heure sont malencontreusement devenus trop monnaie courante dans les hôpitaux et cliniques et affectent notre productivité des transports !” annonce dans l’embarras Patrick Jalabert, président de l’ADRU66, tout en compatissant sur la situation ambiguë et compliquée à laquelle est confrontée le personnel soignant.

Une course à la gestion des temps

“Par exemple, un même équipage coincé aux urgences et qui était censé récupérer un autre patient sortant de dialyse, et bien le transport ne pourra pas être effectué car il est difficile de trouver en substitution un confrère disponible ! Tout le monde est en saturation… Résultat des courses, le patient attend, il est mécontent et il arrive même qu’on le perde, c’est la double sanction !” Des défaillances auxquelles parfois se rajoutent, suivant l’état du patient, des frais techniques qui incombent aux entreprises, comme le gaz médical. Médicament dont la recharge représente un coût qui avoisine les 70 €. “Lorsque nos patients sont sous oxygène et passent deux heures à attendre dans le sas des entrées, d’une part, on vide les bouteilles embarquées et d’autre part, pour assurer dans la foulée une nouvelle mission de transport sanitaire, il est fort probable que nous ne soyons pas en condition pour l’accomplir à temps !” souligne, agacé, ce président, gérant à St-Cyprien d’une flotte de huit véhicules sanitaires et de onze taxis.

Une course à la gestion des temps, seul levier sur lequel les artisans ambulanciers peuvent compter pour maintenir une rentabilité de leurs entreprises. “Il faut savoir que nous sommes payés à la mission et non sous forme de rémunérations ou d’indemnisations par périodes. Aussi, une réflexion germe de plus en plus au sein de nos entreprises sur l’intérêt à s’engager ou à poursuivre la production de services de transports de patients vers les urgences.” Une réorientation qui serait lourde de conséquences et risquerait de mettre à mal le schéma organisationnel du transport des urgences pré-hospitalières qui, rappelons-le, chapeauté par le SAMU, est majoritairement effectué par les artisans ambulanciers…

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