Artisans prothésistes dentaires : du boulot et des obstacles ! [par Thierry Masdéu]

Les artisans de la prothèse dentaire sont unanimes, depuis l’entrée en vigueur au 1er janvier 2020 du 100 % Santé (reste à charge zéro) sur le panier de soins dentaires, leurs carnets de commandes ne désemplit plus. Seul problème, le coût et la raréfaction de certaines matières premières.

Une réforme qui permet d’être entièrement remboursé sur des bridges, couronnes dentaires et dentiers amovibles, remporte un vif succès chez les patients des dentistes conventionnés. Un rapport de la Cour des comptes, publié le 28 juillet 2022, faisait déjà état que le panier sans reste à charge du secteur dentaire représentait une part très majoritaire des actes prothétiques réalisés, passant de 31 % en 2019 à 55 % en 2021. Soit une hausse respective du nombre de patients de 4,75 millions à 5,16 millions. Cette ascension ne fléchit pas et l’abondance est telle qu’elle génère chez les prothésistes dentaires une production à flux très tendu.

D’autant que les contraintes impératives de délais de livraison chez les praticiens sont toujours fixées à une semaine maximum. Des conditions inédites pour cette profession qui doit, pour y répondre, faire face à de multiples obstacles. Manque de main d’œuvre qualifiée et fluidité dans les approvisionnements de matières premières. “Comme dans tous les secteurs de production, nous sommes confrontés avec nos fournisseurs à quelques ruptures de stocks sur certains matériaux et à des délais de livraison qui sont soit rallongés ou pas du tout respectés !” témoigne Laurent Ortin, dirigeant associé du laboratoire “P.O. Dentaire” situé à Perpignan. “Même sur certains articles et en raison de l’instabilité économique qui règne, nos fabricants ont décidé du jour au lendemain de les supprimer du catalogue, comme des vernis, des isolants pour plâtre, etc.”“C’est contraignant, car souvent se sont de très bons produits qui existent depuis fort longtemps et pour lesquels il est très difficile de trouver des équivalences !” surenchérit avec désappointement son collaborateur prothésiste, Thierry Foissin.

Difficile répercussion des coûts

Production laboratoire de prothèses dentairesCe contexte économique qui oblige ces artisans à entreprendre une plus large anticipation sur leurs commandes et, dans la mesure des disponibilités, de constituer du stock, a aussi une incidence majeure sur le coût des matières premières. “Depuis le 1er janvier, cela devient de plus en plus tendu car les hausses tarifaires ne semblent plus vouloir se stabiliser. À ce jour et selon les produits, nos fournitures affichent déjà une augmentation de prix entre 25 % et 30 % !” souligne avec inquiétude Alexandre Forcada, l’associé de Laurent Ortin, spécialisé dans la programmation des imprimantes dentaires 3D. “Il y a encore deux ou trois ans, pour équilibrer le marché, nous avions la volonté de faire travailler l’ensemble de tous nos fabricants français et allemands mais aujourd’hui, nous sommes bien obligés d’établir des comparatifs fournisseurs et d’être très sélectifs suivant les offres du marché !”

Une situation qui risque fort de tendre les futures relations commerciales entre les prothésistes dentaires et les chirurgiens-dentistes, tenus de respecter, pour le zéro à charge de leurs patients, les barèmes des soins établis par l’assurance maladie. “Nous sommes conscients que eux aussi subissent des hausses sur leurs fournitures et, d’autre part, qu’on leur a valorisé des soins un peu anarchiques, c’est à dire qui ne sont quasiment jamais pratiqués. Il aurait été préférable que ces valorisations ciblent plutôt des actes courants comme des points de caries ou extractions de dents pour les aider à compenser ces hausses tarifaires !” formulent à l’unisson ces associés, artisans de la prothèse dentaire. “Résultats des courses, on se retrouve là, tous un peu le cul entre deux chaises, mais il va bien falloir trouver un chemin d’entente ! Dans tous les cas et au cas par cas, suivant l’ampleur de nos augmentations, nous serons bien obligés d’appliquer une hausse à notre tarification !” Une issue qui semble inévitable même si, pour l’heure, le volume des commandes avec le 100 % santé semblerait compenser en partie ces hausses de prix sur leurs matières premières.

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