Ostréiculture : Leucate privée de dégustations ! [par Thierry Masdéu]
Savourer le plaisir de déguster quelques huîtres, accompagnées d’un excellent vin du cru, n’est toujours pas autorisé chez les ostréiculteurs de Leucate qui, de surcroît, ne peuvent pas bénéficier des aides allouées aux restaurateurs.
Si les habitués des week-ends avaient pris l’habitude de réserver pour avoir une place, protocole sanitaire oblige, les amateurs ne se bousculent plus sur les terrasses aménagées. Seule la vente à emporter est encore permise. Jean-Pierre Brot et son épouse, fidèles clients du village ostréicole, en profitent avec une pointe de nostalgie . “Nous sommes basés à Saint-Cyprien et, fréquemment, nous avions pour habitude de déguster quelques huîtres sur place avant d’en acheter quelques douzaines pour la maison. Ces restrictions sanitaires nous gâchent ce plaisir du partage !”
Triste panorama sur ces allées de la rive droite et gauche presque désertes, aux devantures privées de leur atout, la dégustation. Ce complément de ressource non négligeable pour les conchyliculteurs, qui représente pour certains plus de 80 % du négoce, ne bénéficie pas au grand dam de la profession, des mêmes aides “Covid” liées à la restauration. “Nous sommes producteurs, notre code APE ne nous permet pas d’obtenir les nouvelles compensations allouées aux restaurateurs qui sont des clients dont on a également perdu les commandes !” Souligne, inquiet, David Murcia, gérant du mas ostréicole “Les Oranges de la Mer”, et président du Syndicat des ostréiculteurs de Leucate “Même si la vente de détail à emporter ou les livraisons chez les particuliers assure un peu de trésorerie, la situation économique devient tendue”.
Menaces sur l’emploi, l’activité et le prix du marché
Ce manque de visibilité sur la date de réouverture des espaces de dégustations, tout comme la menace redoutée d’un troisième confinement, pénalisent lourdement l’activité de l’ensemble des 24 entreprises de la zone, qui doivent miser sur des hypothétiques prévisionnels de productions. “Cela devient très compliqué à gérer ! On ne sait plus combien de naissains on doit coller pour remplir nos parcs et pour la pousse c’est aussi une problématique !” Témoigne, déconcerté, Lucas Jaulent, jeune professionnel établi au mas ostréicole “l’Hippocampe”. “On récolte, on stocke sans savoir à quel moment on va pouvoir faire les ventes, les coquillages vont prendre une taille et ça risque à nouveau de déséquilibrer le calibre des ventes habituelles”. Une situation commerciale à laquelle les ostréiculteurs ont déjà dû faire face lors de la fin du premier confinement, préconisant à la clientèle une démarche de consommation plutôt cuisinée avec des conseils de recettes.
Avec une production annuelle de 1 200 tonnes d’huîtres et une moyenne de trois à sept salariés par structure, ces jardiniers de la mer souhaitent rappeler aux autorités qu’ils représentent un bassin d’emploi non négligeable pour la zone de Leucate et, face aux stocks qui se dessinent, craignent de devoir faire face à une nouvelle crise autre que sanitaire, celle de l’effondrement du prix de marché de l’huître.