Chronique champêtre : Le gigot pascal (Par Jean Paul Pelras)
Pour débuter ce propos pascal permettez-moi de m’adresser à celles et ceux qui m’ont récemment invité à partager un gigot, un carré, quelques côtelettes ou une souris d’agneau. Je dois en effet leur avouer que je n’apprécie guère la viande ovine. Ils mesureront, à l’aune de cette redoutable annonce, la portée de ma timidité et, à défaut, celle de cette élégance qui m’oblige à ne pas bousculer les protocoles gastronomiques en refusant poliment la seconde ration. Voilà c’est dit, je n’aime pas l’agneau. Et ce, même si, tendre pastoureau, je fréquentais les drailles de la Margeride dans le sillage d’un grand-père berger fumant papier maïs et portant veste de velours. Ce qui ne doit pas nous empêcher de célébrer l’animal connu pour sa docilité dans la Bible et pour son silence lorsqu’il échoie entre les griffes dudit Hannibal. Précisons, à ce titre, que le sort des moutons noirs n’était guère plus enviable puisqu’ils étaient sacrifiés pour le compte de quelques dieux grecs chargés d’administrer les vents et la protection des navires. Triste fin, vous en conviendrez pour un mérinos dont la chair est plébiscitée depuis des siècles par à peu près toutes les chaires que comptent les religions. Ce qui nous ramène à ce gigot, soigneusement apprêté par le boucher du village voisin, qui inaugure donc le printemps et tire son appellation d’un violon médiéval appelé gigue. Pour ma part, sachez que je suis invité demain midi chez ma belle-mère dans le petit bourg de ce haut pays où je gîte. Il y sera question de pintade et de pommes de terres dorées. L’agneau s’en sort bien. Moi aussi !