Attelage tracteur : la fin des accidents ? [par Yann Kerveno]

Si ce n’est une révolution, l’innovation mise au point par l’Audois Romain Ribo a vocation à changer un peu la face du monde agricole. Visite au cul du tracteur où la procédure d’attelage est révolutionnée.

Au départ, il y a un constat. La pénibilité. Surtout quand il s’agit d’atteler un outil de travail du sol ou autre au tracteur. Et diablement dangereux à cause de la prise de force. “L’attelage est une cause importante d’accidents du travail en agriculture, les chiffres que donne la Mutualité sociale agricole sont sans équivoque” précise Quentin Derouck le directeur commercial de la petite entreprise qui compte aujourd’hui quatre salariés. Les chiffres ? L’attelage des outils, en France, c’est deux accidents et une incapacité permanente par jour. “Et 37 % des accidents sont mortels” ajoute-t-il.

Dans la pratique, avec cette interface d’attelage automatique, l’agriculteur vient positionner le tracteur devant l’outil, emboîte les deux parties de l’interface, celle du tracteur et celle de l’outil puis, avec la télécommande, connecte le tout, prise de force et réseau hydraulique compris, sans bouger de son siège.

Casser le matériel

Si le développement a été long, c’est que l’affaire, pour aussi simple qu’elle paraît, est assez complexe. Et qu’il faut que ce soit solide. Prototype après prototype, les agriculteurs testeurs avaient pour mission de casser le matériel, de le mettre à l’épreuve jusqu’au bout. “Souvent, Romain résume l’aventure en disant qu’il a mis huit ans à comprendre pourquoi cela ne marchait pas” sourit Quentin Durouck. Fils d’agriculteurs du côté de Castelnaudary, Romain Ribo a quitté son job, il dirigeait une équipe de course automobile et s’est emparé du sujet à la demande de son père qui ne comprenait pas pourquoi rien n’avait évolué en trente ans sur ce sujet, alors que le progrès avait semé des innovations dans presque tous les autres secteurs… C’était en 2012 et il aura fallu dix ans de R&D pour mettre au point un prototype qui tienne la route.

Commercialisation en 2024 ?

“Aujourd’hui, le prototype est très fiable, nous en sommes au détail et nous espérons un début de commercialisation dans 12 ou 18 mois.” Au départ, les entrepreneurs avaient trouvé un accord avec le concessionnaire de Revel T3M, mais finalement Tracto Lock a récupéré la licence de fabrication et de commercialisation pour assurer le tout par ses propres moyens. Le financement de la R&D et de l’entreprise a été assuré depuis le début par des financements personnels et l’appui de la BPI pour un investissement global d’environ deux millions d’euros. “Mais nous étions loin de penser que, 10 ans après, nous discuterions directement avec le ministère de l’Agriculture et la MSA pour des questions de normalisation.” Des discussions sont en cours avec les fabricants de matériels pour qu’ils intègrent nativement le système sur leurs engins…

Tout équiper ?

Quant à la construction de ces appareils, elle est 100 % française et quasi 100 % Occitanie. Le constructeur n’annonce pas de prix pour l’instant mais Quentin Durouck avance que l’on doit pouvoir équiper une exploitation de grandes cultures pour quelques dizaines de milliers d’euros. “L’idéal serait d’équiper tous les matériels, mais cela peut aussi se raisonner en saisons pour limiter l’investissement et à condition de démonter et remonter les châssis sur les outils.” Le tracteur équipé lui, peut par contre continuer à recevoir des attelages classiques. Et les outils équipés être attelés sur un tracteur sans équipement.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *