Arnaud Montebourg : “Nous ne travaillons pas contre les agriculteurs”
Arnaud Montebourg est un homme poli et civilisé, mais il peut parfois être agacé de ce qu’on écrit sur la Compagnie des amandes. Comme nous l’avons fait récemment dans l’Agri en donnant la parole aux agriculteurs du département pour réagir aux réunions qu’il tenait ici ou là. Avec des réactions parfois tranchées en opposition au modèle proposé. Alors, puisqu’il a demandé à rencontrer l’Agri, nous y sommes allés pendant le Medfel où la Compagnie des amandes tenait un stand.
Qu’est-ce qui vous a décidé à vous lancer dans cette aventure des amandes ?
D’abord, il faut regarder le marché. La consommation d’amandes, c’est 45 000 tonnes en France et nous en produisons 300 tonnes. Et nous avons oublié qu’en 1948, il y avait 12 000 hectares d’amandiers dans notre pays. En partant de ces chiffres, nous nous sommes dit qu’il y avait forcément de quoi faire quelque chose et nous avons tenté de mettre sur pied un système qui propose autre chose que ce qu’il est possible de faire aujourd’hui.
C’est-à-dire ?
Quand vous plantez un verger, vous devez attendre quelques années avant qu’il commence à produire. Nous avons donc décidé qu’il fallait payer le travail, c’est quelque chose qui n’existait pas jusqu’ici puisque l’agriculteur se paye sur sa récolte. Or là, le travail d’entretien des vergers est rémunéré alors même que les arbres ne sont pas encore en production…
Comment cela s’organise-t-il dans la pratique ?
C’est simple. La Compagnie des amandes et les producteurs créent conjointement une société. Le producteur possède 51 % des parts (2 550 euros), la Compagnie des amandes 49 % (2 450 €). Nous sommes toujours minoritaires dans les sociétés. Ensuite, nous finançons tout le reste pour la plantation, soit 25 000 euros par hectare. Et nous finançons aussi le travail et la location des terres. Cela peut représenter entre 400 et 500 euros à l’hectare. Le travail est rémunéré 700 €/ha dès la plantation et atteint 850 euros à la 6e feuille lorsque le verger entre en production. Vient ensuite s’ajouter un système de prime au rendement, un intéressement au volume, qui peut aller jusqu’à 350 euros à l’hectare si le producteur dépasse un certain seuil, 1 200 kg/hectare. Ensuite, le producteur et la Compagnie des amandes se partagent les dividendes de la société qu’ils ont créée en commun à chaque clôture d’exercice. L’Ebitda* attendu tourne autour de 5 000 euros à l’hectare.
Combien de vergers sont sortis de terre aujourd’hui, avez-vous concrétisé des opportunités dans les Pyrénées-Orientales ou l’Aude ?
Environ 200 hectares sont plantés et nous espérons atteindre les 500 hectares signés à la fin de l’année. Notre objectif est de parvenir rapidement à 2 000 hectares sur la zone méditerranéenne, d’ici deux ans, en fédérant des vergers assez grands, autour de 10 hectares minimum, pour que cela soit économiquement rentable. À ce stade, nous pourrions rapidement fournir 10 % du marché français en amandes françaises dans le segment premium. Pour répondre à votre deuxième question, nous travaillons actuellement sur les Pyrénées-Orientales, il y aura bientôt du neuf et nous sommes en train de développer trois vergers dans l’Aude, dans la Narbonnaise. Il faut prendre conscience que c’est un moyen de valoriser les friches, ce sont 10 000 hectares dans le département, ou de diversification.
Les réactions sont assez vives dans le monde agricole. On vous reproche en fait le caractère très “privé” du montage qui est loin des standards habituels du milieu.
Ce qui n’est pas compris, c’est que nous travaillons pour, et non contre l’agriculture. Nous finançons de la recherche et du développement sur les amandiers, en particulier sur la guêpe de l’amandier, nous avons du matériel qui peut nous faire ressembler au fonctionnement d’une CUMA. Nous construisons un outil industriel, une casserie qui profitera à l’ensemble des producteurs d’amandes de France et permettra d’éviter d’aller casser en Espagne parce qu’il sera compétitif. Et qui investit au final ? C’est nous. Si cela ne fonctionne pas, le bouillon est pour nous.
Propos recueillis par Yann Kerveno
* “Earnings before interest, taxes, depreciation, and amortization” = bénéfice avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissement.