Agriculture, eau et écologie : les paysans doivent se méfier du double discours politique ambiant [par J.-P. Pelras]

Le positionnement politique, toutes obédiences confondues, à l’égard de l’agriculture relève d’une certaine hypocrisie. Depuis deux décennies au moins, les calculs politiciens et les tendances sociétales obligent les élus à considérer les mouvements écologistes.
L’électorat paysan concerne désormais moins de 1 % des votants avec, pour le PIB national, la part de l’agriculture qui est passée de 10 % dans les années 60 à moins de 3 % en 2022, soit l’équivalent… du secteur culturel ! En milieu rural, beaucoup de communes ne sont plus dirigées par des maires agriculteurs et les collectivités territoriales comptent désormais bon nombre d’élus très sensibles aux questions environnementales.

Qui va, en effet, s’indigner pour les betteraviers impactés par l’interdiction d’utiliser des néonicotinoïdes ? Et ce, alors que nos principaux concurrents européens et mondiaux pourront continuer à pulvériser ce type de produit. Qu’à cela ne tienne, le sucre français sera remplacé par celui importé du Brésil, d’Inde ou d’Asie, contrées de toute évidence peu inquiétées par les dogmes verdoyants. Autre aberration, cette décision consistant à casser un arrêté préfectoral, obtenue devant le tribunal administratif de Montpellier par France Nature Environnement. Décision qui oblige les producteurs des Pyrénées-Orientales à laisser 1 500 litres d’eau par seconde dans le fleuve La Têt toute l’année alors que ce volume était jusqu’ici abaissé à 600 litres/seconde en période de récoltes estivales. Une augmentation du débit réservé qui va immanquablement condamner une grande partie de la production arboricole roussillonnaise et susciter probablement quelques jurisprudences au-delà.

Bras dessus-dessous, agriculteurs, syndicalistes, responsables consulaires et politiques ont donc récemment manifesté dans les rues de Perpignan, arborant de concert la banderole de l’unité. Mais attention, parmi eux il y avait aussi ceux qui n’ont rien dit quand un élu départemental préconisait de couper l’eau en plein cœur de l’été aux irrigants de la vallée voisine. N’oublions pas non plus ceux qui, présents ce jour-là, l’étaient aussi aux côtés du Premier ministre Jean Castex pour inaugurer le “Train des primeurs” chargé à 90 % de marchandises importées. Idem lorsque tout ce beau monde se pressait à Port-Vendres pour applaudir, l’an dernier, le retour du fret maritime et des importations fruitières ou légumières en provenance du Maroc.

L’agriculteur n’est pas un bon “client” pour le politique

Que dire également de ce soutien apporté par l’État à France Nature Environnement qui perçoit (chiffres année 2021) uniquement pour le secteur Languedoc – Roussillon 61 219 euros d’aides publiques octroyées par l’Agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse (donc par l’État) et 50 000 euros par la Région Occitanie. Le montant des subventions publiques à FNE dépassait cette année-là, au plan national, 2,2 millions d’euros. Une somme attribuée par le contribuable français à une fédération présente auprès des activistes anti “bassines” et dont l’action est également relayée par France Télévision, comme nous avons pu le voir récemment avec “Aux arbres citoyens”, émission présentée par Hugo Clément qui appelait aux dons sur une chaine du service public. Une certaine confusion cautionnée par les décideurs politiques qui, par ricochet, contribue à grignoter notre économie agricole et sa compétitivité.
L’agriculteur n’est pas un bon “client” pour le politique. Il gène son action dès qu’il s’agit de développer l’urbanisme (et l’artificialisation des sols), tout comme il perturbe l’image vertueuse que certains élus entendent revendiquer, dès que le paysan traverse la commune avec, attelé derrière son tracteur, un pulvérisateur ou un épandeur à engrais.

Autre interrogation, toujours concernant l’usage de l’eau : que feront les collectivités territoriales quand elles seront obligées de choisir entre l’approvisionnement estival des sites balnéaires et celui des cultures qui contribuent à préserver les nappes, grâce notamment à l’irrigation gravitaire ? La question n’est jamais posée ! Quand la population est multipliée par dix en bord de mer et en période caniculaire, personne, parmi le personnel politique ou consulaire, n’ose dire aux estivants qu’il faut prendre moins de douches, ne pas remplir la piscine et fermer l’eau du robinet. Signalons que, si le ministre de l’Écologie Christophe Béchu vient, en annonçant une série de mesures, d’avoir une pensée pour les agriculteurs leur demandant d’être “sobres vis à vis de leur consommation d’eau”, il n’a employé aucune “formule particulière” concernant le tourisme.

Les agriculteurs et leurs syndicats doivent se méfier du “en même temps” de celles et ceux qui défilent à leurs côtés et se défilent une fois le cortège dispersé. Car il existe une écologie politicienne à géométrie variable, selon que l’on soit devenu trop encombrant ou, à bien y regarder, de plus en plus rentable.

Une réflexion sur “Agriculture, eau et écologie : les paysans doivent se méfier du double discours politique ambiant [par J.-P. Pelras]

  • 25 février 2023 à 10 h 41 min
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    J aime beaucoup Hugo Clément qui nous fait prendre conscience des énormités
    Qui se passent dans le monde par exemple pour ce qui concerne les vêtements
    De même que j apprécie Monsieur de la Menardiere pour son reportage sur les Éoliennes
    Et je dois vous dire que je vous apprécie aussi beaucoup pour vos coups de gueule sur l agriculture eau etc.
    Je pense qu’il serait bon qu un jour vous vous rencontriez pour en débattre car nous aimons nos paysans qui se donnent bien du mal pour nous faire vivre et qui y laissent souvent leur santé et de plus en plus souvent leur vie
    Vous feriez une équipe du tonnerre

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