Abattoir de Quillan : le dernier des Mohicans ? [par Yann Kerveno]
Tenir un abattoir, surtout à Quillan, réclame de fortes compétences d’équilibriste et des bonnes volontés. L’Agri est allé voir comment l’édifice tenait le choc.
Il n’est pas banal, dans ce monde si masculin des bêtes et de la viande, d’être accueilli par quatre femmes quand on a rendez-vous en même temps avec l’équipe qui gère l’abattoir de Quillan et l’association Viandes des Pyrénées Audoises. C’est sur ce quatuor que tout l’édifice repose. Toujours sur la corde raide depuis son ouverture, l’abattoir de la haute vallée subsiste pourtant, en dépit des péripéties. Jusqu’à passer, il y a quelques années, sous le couperet d’une fermeture administrative, faute de responsable qualité. Un défaut corrigé depuis par l’externalisation de la fonction.
“Agréé pour 500 tonnes annuelles, il a atteint 470 tonnes en 2020. La perte d’un gros apporteur, un producteur de porcs, a de nouveau fragilisé l’ensemble et la production est redescendue à 380 tonnes en 2021” explique Christine Poursel, la responsable d’exploitation, témoignant de la fragilité de l’édifice. D’autant que même à 500 tonnes, l’équilibre financier resterait précaire pour l’EURL qui gère cet outil, propriété d’un syndicat mixte rassemblant deux communautés de communes (Pyrénées audoises et Limouxin et quelques communes alentour) et emploie six salariés, dont un chauffeur livreur qui lui assure la maîtrise des livraisons. D’autant que la course aux normes est incessante dans ce secteur.
Dernier abattoir de l’Aude
“En 2021, des investissements ont été consentis pour l’agrandissement du parc à cochons mais aussi pour améliorer les conditions de travail des salariés” explique Marie-Aude Pons, cogérante de l’EURL avec Amandine Moreno. “C’est un outil territorial indispensable, surtout depuis les récentes fermetures des abattoirs de Castelnaudary ou Narbonne. Maintenant, il faut aller à Pamiers, en Ariège, ou à Puylaurens, dans le Tarn, pour faire abattre les animaux” poursuit-elle. L’essentiel du tonnage, mais c’est logique, est apporté par les bovins. À la fin du mois de juin, l’activité était satisfaisante avec 128 tonnes de bovins, 31 tonnes de porcs, 23 tonnes d’ovins, 11 tonnes de veaux et 3,5 tonnes de caprins. Soit un total d’environ 228 tonnes sur six mois contre 380 sur douze mois l’an dernier et des perspectives correctes avec le prochain agrément par la marque Pays Cathare pour toutes les espèces et la montée en puissance de l’association Viandes des Pyrénées Audoises, créée justement pour venir conforter les tonnages de l’abattoir et offrir des solutions aux éleveurs locaux.
Une viande d’ici
“L’association a été créée en 2018, en partant du constat qu’il y avait des animaux ici et qu’il était dommage qu’ils ne soient pas valorisés localement” rappelle Aurélie Carbonnell qui anime l’association. Avec une vingtaine de boucheries en clients dont des grandes surfaces locales et la coopérative des artisans bouchers du département de l’Aude et, en face, un vivier de 80 éleveurs de la haute vallée de l’Aude, du pays de Sault et du Chalabrais. Fin 2021, l’association avait dirigé 53 tonnes vers l’abattoir de Quillan, passage obligé si l’on veut être dans la démarche et elle espère arriver à 100 tonnes cette année, c’est l’objectif annoncé. Le cahier des charges, qui recoupe opportunément celui de la marque Pays Cathare développée dans l’Aude, est précis, l’association guide les éleveurs vers des bovins R minimum et 3 en engraissement pour 360 kg de carcasse. Si les choses peuvent encore progresser pour les bovins, l’enjeu de l’association est d’aujourd’hui pouvoir développer la production de porcs.
50 tonnes de plus
“Nous cherchons des porcs plus lourds que ceux du marché traditionnel et nous avons pour ambition de chercher à homogénéiser la production et, surtout, parvenir à disposer d’un calendrier complet” explique l’animatrice. Une quinzaine d’éleveurs sont concernés dans le secteur pour le moment. Le suivi technique est assuré par la Chambre d’agriculture, en particulier la validation du choix des animaux. L’objectif de la centaine de tonnes envisagé pour cette année n’est pas anodin. “Avec ce tonnage, l’association atteint l’autosuffisance financière” ajoute Aurélie Carbonnel. Et 50 tonnes de plus ne feront pas de mal non plus au bilan de l’abattoir !