Viticulture : “Les deux prochaines années vont être terribles” [par Yann Kerveno]
À la veille de quitter la tête du Syndicat des vignerons, Laurent Girbau fait le point sur une année très spéciale…
Vous avez donc décidé de passer la main à la fin de l’année ?
Oui, j’avais dit de toute façon au départ que je ne ferai qu’un intérim. Il s’est un peu prolongé à cause de la Covid et du report des élections au CIVR. Mais après le 14 décembre, date de l’assemblée générale de l’interprofession, je laisserai la présidence du Syndicat des vignerons.
Qui est candidat à votre succession ?
À priori, pour l’instant, je n’en connais qu’un seul déclaré, c’est David Drilles.
Revenons sur cette année 2020… La vendange est pire que prévu ?
Alors oui, nous serons probablement entre 400 000 et 450 000 hectolitres cette année. C’est un record, mais dans le mauvais sens du terme. Les causes sont connues, le mildiou d’abord, les dégâts de sanglier ensuite et, en fin de campagne, les tordeuses de la grappe, notamment cryptobables, pour lequel on n’a pas vraiment de solution de lutte. Les prochaines années vont être très difficiles dans le vignoble.
Quels aménagements ont pu être obtenus depuis le début de l’année et la crise de la Covid ?
Nous avons fait plusieurs choses. Tout d’abord il y a eu les discussions que nous avons tenues avec la Mutualité sociale agricole qui nous a annoncé tout récemment qu’une enveloppe de 400 000 euros allait être débloquée pour la prise en charge des exonérations de cotisations dans le département des Pyrénées-Orientales. Ensuite, nous avons aussi rencontré la direction des impôts pour réclamer une exonération des taxes sur le foncier non bâti. Pour l’instant nous n’avons obtenu que le report, jusqu’au mois de décembre, mais nous continuons de plaider pour l’exonération à 100 %. Nous avons aussi travaillé avec la direction des territoires qui a donné un gros coup de collier pour traiter la plus grande partie des dossiers de financement, les aides à la conversion, les aides agroenvironnementales ou pour le matériel… Et aujourd’hui il n’y a quasi plus un dossier en souffrance.
Vous aviez aussi demandé un geste aux vendeurs de produits phytos…
Oui, nous avons adressé une lettre aux vendeurs de produits phytos en leur demandant de servir tous les vignerons, même ceux en grande difficulté, parce qu’avec le mildiou, on savait que l’année allait non seulement être difficile mais aussi coûter très cher… Mais cette initiative est restée lettre morte. Nous sommes aussi allés à la rencontre de certains députés pour leur faire part de notre malaise, en particulier lors de la tournée des vendanges. Il faut bien que chacun comprenne aujourd’hui, qu’en dépit de quelques réussites, la viticulture va très mal dans le département. Et les deux prochaines années vont être cruciales.
Pourquoi ?
Parce que pour l’instant, par exemple, dans les caves coopératives, nous versons encore les acomptes de la vendange 2019, voir des reliquats de 2018. Mais à partir d’avril nous basculerons sur les acomptes de la demi-vendange de 2020. Les acomptes seront donc aussi divisés par deux. Il ne faut pas oublier non plus que si la récolte est historiquement faible en Roussillon, ce n’est pas le cas ailleurs en France. Il y a du vin, donc les prix ne pourront pas compenser la perte de volumes. Pour anticiper, j’insiste pour que tous les vignerons, même ceux qui n’en auraient pas besoin aujourd’hui, fassent un dossier de prêt garanti par l’État.
Quid de l’arrachage ?
C’est une éventualité qui s’éloigne puisque visiblement les Bordelais n’ont pas l’intention de demander des primes. C’est dommage parce-que leur problème est structurel, ils ont planté trop de vignes et n’ont plus les marchés pour tout absorber donc ils encombrent les marchés.