Tourisme en Catalogne Sud : “Des dommages collatéraux catastrophiques” [par Thierry Masdéu]

Le 25 août dernier le secrétaire général de L’Organisation des nations unies (ONU), António Guterres, déclarait à l’occasion du lancement de la Note de synthèse sur le tourisme et la Covid-19 : “Le tourisme est l’un des secteurs économiques des plus importants au monde. Il emploie une personne sur 10 sur la planète et assure des moyens de subsistances à des centaines de millions d’autres (…) Au total, quelques 120 millions d’emplois directs dans le tourisme sont menacés.”* Cette annonce alarmante sur la perte des emplois n’est guère encourageante pour l’ensemble des professionnels du secteur et vient se greffer à l’inquiétude majeure de pouvoir sauver et préserver la viabilité de leurs établissements. Un des secteurs géographique le plus touché concerne la Catalogne Sud qui a subi de plein fouet les conséquences pandémiques. Annonces préventives et exécutives de restrictions dans les déplacements, menaces et applications de fermetures des frontières, confinements partiels de villes ou quartiers, présentations de tests négatifs obligatoires, mises en quarantaine, etc. À ce titre, depuis le début de la crise sanitaire, l’hôtellerie et les campings de la province de Girona accusent une forte baisse de fréquentation touristique et notamment sur la bande côtière, où, pour les mois de juillet et août, les annulations de séjours ont déferlé, tout comme le centre touristique de Barcelona qui a pâti d’une baisse de fréquentation de 50 % à 70 %. Tributaire du tourisme international, le plus en souffrance des deux reste le camping, où la clientèle représente plus de 80 % des réservations.

Guerre commerciale…
Ward Wijngaert, gérant de l’Associació de Càmpings de Girona, regrette, entre autres, la déclaration du 24 juillet dernier du Premier ministre, Jean Castex, recommandant aux ressortissants français de ne pas se rendre en Catalogne pour les vacances : “Vis-à-vis de nos administrations catalanes et espagnoles, il y a eu trop d’incertitudes avec cette crise sanitaire, ce qui a généré beaucoup d’insécurité chez nos entrepreneurs. De plus, avec les administrations des autres gouvernements internationaux, on a pu noter qu’il y a eu une trop grande fermeté à l’égard de notre marché au moment des règles de restrictions, alors que nos mesures de préventions sanitaires étaient en adéquation avec les recommandations de l’OMS et même bien au-delà que certaines de ces mêmes États ! Cela a été perçu comme une sorte de guerre commerciale où chaque pays a souhaité maintenir ses ressortissants sur son propre marché touristique et freiner son déplacement vers nos contrées.” Avec une offre de 134 445 places pour la province de Girona, les campings de la côte déplorent un taux de fréquentation généralisée de l’ordre de 30 % voir 40 % pour quelques établissements. Entre le démarrage tardif de la saison et la clôture anticipée de l’arrière saison, le faible taux de remplissage et l’obligation d’instaurer des promotions tarifaires pour attirer le client, la perte du négoce estimée pour le secteur de Girona avoisinerait les 210 millions d’euros, soit – 70 % du chiffre habituel. Un handicap majeur pour ces entreprises qui ne perçoivent aucune aide du gouvernement de la Generalitat et sont dans l’obligation de faire appel à l’activité partielle (ERTO), gérée par le gouvernement central, pour essayer de maintenir l’emploi de leurs salariés (70 % du salaire assuré durant les 6 premiers mois, puis 50 % les 6 mois suivants. Mesures qui, dans la réalité, n’ont pas encore toutes été perçues en intégralité par les salariés). Les seuls qui tirent leur épingle du jeu sont ceux de l’arrière pays sur les territoires de la Cerdanya, du Ripollés et de la Garrotxa, qui n’ont pas pour habitude d’accueillir le tourisme international, plus en recherche d’une climatologie chaude que fraîche. Pour ces zones, le taux d’occupation était de 100 % les week-end et les campings de Cerdanya ont affiché, pour le mois d’août, une fréquentation supérieure à celle de 2019.

Une intervention de l’État espagnol souhaitée… 
Malgré la mauvaise presse qu’a engendrée la Covid-19, 20 millions de touristes internationaux ont foulé cet été les différentes régions d’Espagne et le président de la Féderació d’Hostaleria des Comarques Gironines, Antoni Escudero, fait état pour ce secteur d’un bilan moins chaotique que le prévisionnel. Avec une fréquentation hôtelière qui a plafonné à 50 %, il qualifie de plus désastreuses pour l’économie et le bien être des personnes les conséquences du confinement que la pandémie : “Le constat des dommages collatéraux est catastrophique ! Nous avons déploré des dépressions, des suicides, des assassinats, des rixes entre familles, des divorces, de nombreuses faillites d’entreprises… Ce confinement a été une erreur, il est vrai que le virus est toujours présent mais, dans l’attente d’un vaccin, soyons conscients que nous devons apprendre à cohabiter avec lui ! Les dirigeants politiques doivent instaurer plutôt un climat de tranquillité et non anxiogène. La population doit récupérer une vie sociale et économique, reprendre le chemin du travail, payer des impôts, sinon, nous allons droit vers la misère !” Cette personnalité de l’Alt Empordà, qui est également à la tête d’un groupe d’entreprises, aux affaires de la Chambre de commerce de Girona et à l’assemblée de la Confédération espagnole du tourisme à Madrid, argumente que le secteur touristique représente 25 % du PIB catalan. Mis à mal par la crise sanitaire, il souhaite comme l’ensemble des professionnels une intervention de l’État espagnol avec des mesures comme la baisse de la TVA à 4 %, une réduction des charges, une prolongation de l’activité partielle jusqu’à l’été prochain et des aides financières à fonds perdu comme ont obtenu récemment les secteurs de la pêche, de l’agriculture ou de la finance en 2008. Demandes qui, jusqu’à ce jour, restent lettre morte.

* https://www.un.org/press/fr/2020 /sgsm20218.doc.htm

P.-O. : captation d’une nouvelle clientèle…

Dans l’attente des données chiffrées sur la fréquentation touristique des P.-O., le baromètre des hébergeurs pour les mois de juillet et août présage, malgré la Covid-19, d’un bon été notamment sur les zones de campagne et de montagne, avec 80 % d’occupation sur la Cerdagne et le Capcir. La fréquentation sur le mois d’août a été un peu plus généreuse que juillet sur l’ensemble du département, bien que le taux d’occupation soit inférieur à celui de 2019. Des inquiétudes persistent tout de même chez les professionnels qui, durant le confinement, avec les reports de charges, ont généré plutôt de la dette que du chiffre d’affaires et appréhendent cette fin d’année et le début de 2021. Aussi, si la météo de l’arrière saison et la situation sanitaire le permettent, la tendance d’une majorité d’entre eux, tous secteurs confondus, s’achemine vers une prolongation de l’activité en octobre voir novembre pour certains. Pour Hervé Montoyo, président départemental de l’UMIH, l’enseignement à tirer de cet intermède sanitaire doit permettre à l’ensemble des forces vives du département de prendre en compte l’opportunité qu’a représenté la captation d’une nouvelle clientèle nationale, belge et allemande, qui a découvert d’autres facettes touristiques qu’offre le département avec sa pluralité de terroirs.

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