Salon de l’agriculture : ou comment, tous les 5 ans, les candidats se souviennent des paysans [par Jean-Paul Pelras]

L’hospitalité champêtre, c’est bien connu, est sans limites. C’est ce que les prétendants à l’élection présidentielle pourront vérifier une nouvelle fois, Porte de Versailles, dans le cadre du Salon international de l’agriculture. Un évènement dont ils furent privés l’an passé et qui fut légèrement rogné, Covid oblige, lors de l’édition précédente.
Qu’à cela ne tienne, puisque le millésime qui compte, celui qu’il ne faut surtout pas louper, c’est celui-ci. Non pas car nos campagnes, à l’heure où elles viennent de perdre 100 000 agriculteurs en 10 ans, ont besoin de soutien. Mais car, à quelques semaines du suffrage suprême, la déambulation entre veaux, vaches, cochons et autres moutons, dindons ou pigeons, vaut bien celle d’une montée des marches au Festival de Cannes.

À tour de rôle et comme le veut la tradition, celles et ceux qui auront décidé de participer à ce marathon champêtre, vont donc se rincer la glotte et se sustenter en vantant les produits du terroir et le labeur du paysan qui fait tout pour le préserver. Des paysans qui questionneront peut-être Emmanuel Macron sur la Loi EGAlim censée établir des règles commerciales plus équitables pour la production, mais qui, au bout du compte, ne fit même pas sourciller la grande distribution. Tout simplement et nul besoin d’être énarque pour le constater, car c’est elle qui jugule l’inflation avec la bénédiction des gouvernements successifs. Et ce, à l’heure où, sur la cocotte-minute du pouvoir d’achat, le sifflet pourrait devenir de plus en plus réactif.

Autre question que les agriculteurs poseront peut-être au chef de l’État, celle qui concerne le “Grand débat agricole” lancé en mars 2020 où une réflexion sur le le devenir de la PAC fut confiée à des experts en urbanisme et à 134 individus tirés au sort, parmi lesquels seulement 2 agriculteurs… Quelle autre profession accepterait pareille “expérience”, pareille provocation ? D’ailleurs, que sont devenues les conclusions de cet énième débat lancé aux quatre vents des consultations citoyennes imaginées pour gagner du temps, botter en touche et déléguer, avant de la reprendre, un semblant de responsabilité ?

Quelqu’un saura-t-il également rappeler à Emmanuel Macron qu’il fit voter le CETA par l’Assemblée nationale au cours de l’été 2019 ? D’autres lui parleront-ils des zones de non traitements obtenues par les environnementalistes, du soutien de Barbara Pompili au mouvement activiste des coquelicots, des mesures de surveillance mises en place par cette ministre pour contrôler les pratiques agricoles, de ses prises de position sur le glyphosate qui “entendent” le paysan le lundi et, finalement, “écoutent” l’écologiste le mardi ?

Quelque part, loin, bien loin de nos campagnes, entre le sacerdoce, les perspectives et les intérêts…

Et puisque nous parlons de glyphosate, évoquons l’éventuelle visite de Jean-Luc Mélenchon qui veut interdire les pesticides et vient de déclarer : “La priorité doit être de revenir à une agriculture paysanne et vivrière. Pour cela, il nous faut trouver 300 000 paysans, les former et leur donner des perspectives.” On devine, derrière ce discours pour le moins anachronique, toute la portée des compétences agronomiques dont dispose le chef de la France insoumise. On l’imagine recrutant dans nos campagnes et dispensant, de ferme en ferme, ses connaissances sur la vendange, sur le vêlage, sur la profondeur du labour, sur l’assolement, sur les récoltes au verger, sur la fertilisation, sur la taille du kolkhose et, tant qu’à faire, sur le montant des prêts à rembourser.
Idem pour Yannick Jadot, député européen, qui évoquait récemment les cancers pédiatriques, comparant les agriculteurs à des Tortues Ninja. Jadot, autre spécialiste de la relance agricole, qui déclarait en 2019 : “On sort des pesticides, on installe 200 000 paysans ou plus dans notre pays”.
Citons également Anne Hidalgo, candidate non moins experte en agroalimentaire, qui voulait installer une coopérative agricole intra-muros du côté de Lutèce et fournir, avec 250 hectares exploités, 30 millions de repas à ses administrés.
Ces trois-là se transporteront-ils physiquement Porte de Versailles, ou bien y enverront-ils, pour les représenter, leurs hologrammes respectifs ?

La semaine à venir nous le dira avec son concours de lancer d’œufs plus ou moins cuits et son lot de caresses prodiguées au cul des vaches par des candidates et des candidats prompts à louer les mérites de la paysannerie française. Celle qui, mais en ont-ils conscience, même si elle ne représente plus que 1,5 % de l’électorat, pèse encore 75 milliards d’euros et 1,5 millions d’emplois.
Voilà, nous allons donc observer les gesticulations de celles et ceux qui viendront chercher la lumière des projecteurs en se souvenant, au moins une fois tous les cinq ans, de nos campagnes et de nos agriculteurs. Comme nous serons également très attentifs au comportement de celles et ceux qui, parmi les responsables syndicaux, vont les guider entre la tranche de saucisson, le verre de rouge, le plateau de fromages, le faux filet et cette main posée sur l’épaule qui en dit long sur le poids des affinités. Quelque part, loin, bien loin de nos campagnes, entre le sacerdoce, les perspectives et les intérêts !

2 réflexions sur “Salon de l’agriculture : ou comment, tous les 5 ans, les candidats se souviennent des paysans [par Jean-Paul Pelras]

  • 22 février 2022 à 20 h 10 min
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    Je suis pour qu on interdise l acces au salon de l agriculture a tous ces politiques qui sacrifient un peu plus l agricultire a chaque mandat , peut etre comprendraient ils que si les agriculteurs sont indesirables dans le paysage francais , eux le sont tout autant aubourd hui

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  • 22 février 2022 à 22 h 15 min
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    merci monsieur Jean-Paul pelras de vos commentaires, le salon de l’agriculture ne représente pas du tout l’agriculture de la france .

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