Rombeau : « Le domaine avait une belle histoire à raconter »

Elle fait venir la culture dans son restaurant, est une des pionnières du recyclage des bouteilles de vin dans le département, Élise de la Fabrègue ne tient pas vraiment en place et fait bouger le Domaine de Rombeau.

Élise de la Fabrègue ne peut pas rester là, à ne rien faire, à ne pas essayer de peser sur le monde même si ce n’est qu’un petit peu. Elle veut prendre sa part. Quand elle reprend le domaine familial au décès brutal de son père, Pierre-Henri de la Fabrègue, il n’y a pas de question. « C’était comme un devoir et ce dont je me suis aperçu c’est que ce lieu, ce domaine, rayonne, et qu’il a une belle histoire à raconter. » Une histoire ? Non, des histoires, Élise de la Fabrègue ne semble pas pouvoir jouer sur un seul tableau à la fois. Question d’engagement, de faire les choses comme elles doivent être faites. Et de donner.

« Aider, c’est important. » Les jeunes, les personnes en quête d’insertion… Ou encore les réfugiées, comme ces trois femmes ukrainiennes qu’elle a accueillies chez elle au début du conflit. Aider les autres, « nos concitoyens les plus démunis. » Tous les autres. La planète ? « On m’appelle Mère Teresa ici » sourit-elle. Alors oui, quand Oc’Consigne lui propose d’entrer dans un programme innovant de lavage des bouteilles du domaine, elle ne réfléchit pas longtemps avant de dire oui. Le contexte, il est vrai, s’y prête bien. Une partie de la production du domaine est consommée sur place, dans le restaurant. Les bouteilles sont en quelque sorte « captives » et la question de la collecte ne se pose pas. Le marché a donné un petit coup de pouce involontaire…

Une logistique à part

Le domaine de Rombeau passe la consigne à la vitesse supérieure en 2024, après une première année de test avec 10 000 cols. (Photo Yann Kerveno)

« Nous avons pris la décision au moment où les verriers avaient éteint des fours, le prix des bouteilles était très élevé, donc on s’y retrouvait vite, économiquement, avec la consigne. Avec le retour à la normale, c’est un argument qui pèsera peut-être moins. » Et nous y sommes, au retour à la normale. Mais sa conviction n’a pas évolué, loin de là et elle peste contre ce qu’elle ressent comme un « coup de mou dans la démarche. » Qu’importe. Cette année, ce sont 30 000 bouteilles qui entreront dans la démarche, pour conditionner les trois couleurs de vins produits, au lieu de 10 000 pour la première saison dont elle a fait le bilan. « On a 5 à 10 % de bouteilles qui ne reviennent pas du lavage, parce qu’elles ont des défauts, cela implique une logistique particulière, il faut stocker les bouteilles avant de les expédier à l’usine, les étiquettes sont différentes mais elles restent très belles » compile-t-elle. Avant d’avouer qu’elle ne comprend pas les réticences. Quitte à s’énerver quand cela ne va pas assez vite ? Mais carrément. « On le fait bien pour les bouteilles d’eau minérales, en Belgique, un distributeur le fait pour le vin, pourquoi pas nous » prêche-t-elle en se réjouissant que d’autres domaines du département se penchent aujourd’hui sur la question. Ça, c’est pour la planète.

Regarder devant

Pour le reste, enfin, une partie du reste, il faut passer un mardi soir au restaurant, quand les lumières sont encore plus tamisées que d’habitude, qu’un piano a été installé au beau milieu de la salle et que retentissent, entre les plats, des airs napolitains, bref, de l’opéra. Lubie ? Non, cohérence. « Dans ma jeunesse, j’ai appris le piano, j’ai fait du théâtre, mais je ne suis pas érudite, il y a beaucoup de petits savoir qui me font défaut.» se défend-elle tout de go « mais je trouve que c’est dommage de devoir se rendre dans les lieux de culture pour écouter de l’opéra, voir un film, des expositions et apprendre… » Qu’à cela ne tienne. De rencontres en rencontres, l’idée germe, se développe. L’opéra viendra à Rivesaltes, au domaine de Rombeau. C’est ainsi qu’est née la « saison culturelle » du domaine. Opéra, cinéma, exposition, stand up, c’est ouvert…

La saison culturelle du domaine mêle l’opéra, le chant, le cinéma, les arts plastiques… Et la gastronomie !. (Photo Yann Kerveno)

Pour boucler la boucle, « j’ai toujours fait de l’humanitaire », elle a aussi proposé à l’Enfance catalane, qui s’occupe d’enfants qui n’ont pas forcément accès à la culture, de participer à une de ses soirées, et ils sont venus. Les clients habituels du mardi soir se réjouissent aussi de cette nouvelle offre. Elle avoue toutefois que la rentabilité de ces soirées n’est pas forcément encore au rendez-vous, « mais ça progresse. » C’est peut-être là, la plus grande qualité d’Élise de la Fabrègue, toujours regarder devant, se dire que cela ne peut être pire qu’hier et qu’il y a toujours quelque chose à faire ? Même si cela suscite parfois des regards en coin.

Yann Kerveno

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *