Que restera-t-il après la guerre ?

Pour une fois, nous avons gagné une guerre ! Sans avoir besoin de nous faire délivrer par autrui ! Bon, comme vous n’êtes pas habitués à la victoire, saoulés par des informations incohérentes, convaincus d’avoir échappé au pire, vous restez pessimistes concernant les semaines à venir. Les sollicitations continuelles, monothématiques, vous ont persuadé que la crise que nous venons de traverser a été exceptionnelle et qu’elle a causé des pertes humaines considérables. L’évocation guerrière, la litanie quotidienne du nombre de morts et de réanimés, vous ont rendu le sommeil difficile.  Exposés à un risque vital sournois, invisible et peut-être inéluctable, votre vie s’est limitée à celle de survivalistes, tapis dans un bunker, entourés de paquets de pâtes et de farine et assis sur des rouleaux de papier-cul en attendant la mort. Si l’on reste dans le factuel et que l’on conserve un regard plus objectif, comparant, par exemple, la mortalité récente à la situation existante avant l’arrivée du Covid, l’importance sanitaire n’est pas aussi dramatique que ce que l’on a essayé de vous le faire croire. En effet, chaque jour de l’année, indépendamment du Covid, en France, près de 1 700 de nos congénères disparaissent de cancers, de problèmes cardiaques, infectieux, neurologiques, d’accidents de la route, du travail, ou de violences conjugales. 65 000 personnes manquent à l’appel chaque année, sans que cela n’altère votre sommeil. Comme si ces occurrences ne vous concernaient pas. Au contraire, depuis la nuit des temps, il semble que les épidémies fascinent. À travers les âges, chacune d’elles a engendré son lot de théories plus ou moins farfelues, visant à les expliquer ou à en atténuer les conséquences. Les aruspices, les oracles, les Dr Knock et les Diafoirus ont alors proposé leurs services et vendu leur charlatanisme ou leurs prédictions de cartomancienne de l’avenir. La période actuelle n’a pas dérogé à cette prolifération d’augures en tous genres. Trop occupés à soigner la phobie qu’on avait mise dans votre cervelle, vous étiez des proies faciles. Et vous les restez !

L’incroyable épaisseur du mille-feuille administratif
D’autres sauveurs vont maintenant affirmer, quel que soit le résultat final, qu’il eut été bien pire s’ils n’avaient pas pris les décisions qu’ils ont prises et pensé ce qu’ils ont pensé, rajoutant qu’avec d’autres le résultat eut été désastreux ! Peut-être finirez-vous par vous féliciter d’avoir été si bien conduits jusqu’au terme d’une si périlleuse odyssée. Ne serait-il pas judicieux de poser notre moulin à prière et de nous demander ce que nous avons, involontairement, appris de cette crise inédite. En premier lieu, nous aurons démontré que le Gaulois est beaucoup moins réfractaire que ce que l’on pouvait le croire. Mais, surtout, nous aurons découvert l’incroyable épaisseur du mille-feuille administratif qui gère les affaires sanitaires de ce pays. Certains pensaient que la coordination du fonctionnement était l’apanage exclusif du ministère de la Santé. Que nenni ! Cette mise en œuvre appartient conjointement à plusieurs organismes : santé publique France, Direction générale de la santé, Agences régionales de santé, Haute autorité de la santé, Agence sanitaire nationale, Agence nationale de sécurité du médicament, Haut-commissariat de lutte contre les épidémies, Agence nationale de la logistique médicale, Haut conseil de veille sanitaire, APHP, Centre national de recherche scientifique en virologie. Et le tout nouveau Conseil scientifique Covid-19 créé en mars pour être au plus près de l’exécutif. Boris Vian dirait qu’à cette liste, seuls manquent le ratatine-ordure, le repasse-limace et le chasse-filous ! Comme
toujours, chacune de ces entités est persuadée, par l’intermédiaire de son directeur (un haut fonctionnaire, interchangeable et grassement payé par le contribuable), d’être prédominante à toutes ! Et chacune “fout des bâtons dans les roues” de ses concurrentes, n’ayant, au demeurant, aucun compte à rendre à personne ! D’où la cacophonie des masques, les lenteurs des décisions, la profusion de circulaires inapplicables, les aberrations multiples dont nous avons été témoins. Dites-vous bien qu’en plus, ce n’est là que la partie émergée de l’iceberg ! Au sommet, il y a un président qui veut donner l’illusion de piloter seul le navire, imposant ses intuitions à un gouvernement qui découvre, au fil des jours, en tentant de le masquer, l’étendue du bordel ambiant avec l’appui aveugle d’un parlement où plus rien ne se discute…  Heureusement : ce n’était pas une vraie guerre !

Une réflexion sur “Que restera-t-il après la guerre ?

  • 13 mai 2020 à 14 h 39 min
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    Petite erreur de chiffres : 650 000 décès par an et non 65000

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