Quand les morts valent moins que les bébés éprouvettes

La génétique n’explique pas tout : ma grand-mère était très croyante ! Au crépuscule de sa vie, quand il fallut qu’elle rende son âme à Dieu, elle réclama une faveur : ne plus tarder pour faire baptiser ma fille. Venu à son chevet muni de la vidéo de la cérémonie à laquelle elle n’avait pu participer, elle demanda plutôt que je la lui raconte. “Je préfère les belles histoires, aux images virtuelles qui manquent de vérité. Tu sais raconter les histoires”. Au terme de la narration que je lui en fis, elle dit : “un baptême pour une mort, c’est un échange qui me convient. Puisque tu soignes les gens, tu sais maintenant ce qu’il te reste à faire pour moi”. Nous nous sommes embrassés et elle est partie reposer près de celui qui lui avait fait espérer toute la vie qu’il serait là pour l’accueillir. J’espère, pour une fois, qu’il y était ! Cette histoire n’a presque aucun intérêt. Pas plus que celle de deux de mes amis, dont la principale qualité n’a jamais été la douceur, qui, récemment, accompagnèrent leur maman presque centenaire, dans ses derniers moments, en serrant dans leurs énormes paluches cette main qui les avait tenus, aimés et protégés quand ils étaient marmots. Aucun intérêt sauf celui de prétendre que la vie d’un homme est peu de chose, mais que sa mort est un moment d’importance. Cet instant où l’on peut se retourner sur son passé, regarder ce que l’on a fait de bien ou de médiocre et entendre en retour une reconnaissance de ceux que l’on a aimés. Comme on arrive à la vie dans la liesse, on doit la quitter dans la chaleur. Nous venons de traverser une période sanitaire durant laquelle l’affolement général, l’impréparation et l’amateurisme des pouvoirs en charge de la Santé publique ont conduit à des comportements totalement dénués de sens. Nous dirons, pour éviter le procès d’intention, que la panique a été la cause principale de ces atermoiements. Ainsi, un grand nombre de personnes âgées furent balayées par la Covid. Il n’est pas extravagant que des vieillards disparaissent. C’est même naturel. Nombre d’entre eux, comme ma grand-mère, n’attendaient rien d’autre de leur vie. Par contre, ce qui pose question c’est de constater qu’ils furent rayés des tablettes et des listes électorales, sans que quiconque ne soit à leurs côtés pour leur souhaiter bonne route et leur dire “merci”. Seuls, abandonnés, enfermés dans un cercueil blindé, voilà le sort qu’il fallut subir pour ceux qui on quitté ce monde durant le confinement. Que notre société tolère cela est indigne. Que des ordres soient donnés pour interdire aux familles le dernier adieu est ignoble. Et, si la santé à un prix, si la prévention a un sens, le respect des morts vaut bien qu’on déroge à certaines règles : au nom de l’exceptionnel !
Ce sujet nous concerne tous
Voir les mêmes parlementaires pondre une loi sur la procréation assistée me hérisse. Non point sur le plan idéologique. Juste sur le plan démocratique. Aujourd’hui, ce sujet n’intéresse personne. Celui de savoir comment on va mourir intéresse tout le monde ! Doit-on continuer à administrer des chimiothérapies à des mourants ? Doit-on laisser péricliter des malades atteints de maladie dégénératives en fin de course ?
Peut-on choisir de dire “STOP !” ? La mort est-elle une exception à la distanciation ? Ce sujet nous concerne tous ! Il n’est peut être pas à la portée intellectuelle des “jeunes cons” qui font les lois. De leurs parents surement. Ils feraient donc mieux, plutôt que de se gargariser de lois “stériles”, de s’enquérir des sujets qui concernent les gens. À moins que, aveuglés par leur soif inextinguible de “marchandisation”, ils n’aient considéré qu’il était plus rentable de proposer des bébés à ceux qui n’en ont pas, que de donner une fin décente à ceux qui en ont eu. La détresse des couples empêchés de procréation est suffisamment légitime pour qu’ils puissent accepter, de bonne foi, n’importe quel commerce. Le tout est de leur donner le support pour qu’ils puissent être heureux de s’y précipiter. Pour les vieux, par contre, le citron ne pouvant plus donner de jus, inutile de s’attarder : dans cette société d’obsolescence, la mort est un programme auquel on n’échappe pas ! Poubelle !

Une réflexion sur “Quand les morts valent moins que les bébés éprouvettes

  • 8 août 2020 à 6 h 27 min
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    Excellent article qui mériterait une parution plus élargie. Bravo et merci d’avoir écrit tout haut ce que beaucoup de personnes pensent tout bas. Vraiment excellent.

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