Les pieds au Salon, la tête et le cœur en Ukraine [par Claire Sarda-Vergès]
Ce devait être le Salon de l’Agriculture “des retrouvailles” après une parenthèse de deux ans, mais le conflit armé déclaré en Ukraine par la Russie occupe nos têtes le jour et la nuit.
Un Salon de l’agriculture bousculé…
Le Salon de l’agriculture est traditionnellement un moment de rencontres et d’échanges entre le monde agricole et les citoyens. Depuis l’ouverture, samedi 26 février, les sentiments sont partagés. D’un côté, un public heureux de retrouver la ferme à Paris et de déguster les produits agricoles de toutes les régions, de l’autre des citoyens inquiets, des responsables politiques et des professionnels agricoles préoccupés. Pas question pour Emmanuel Macron de déambuler pendant des heures dans les allées du Salon, de donner une image de légèreté alors qu’il y a la guerre sur le continent européen, même s’il a pris le temps de venir rencontrer les représentants du monde agricole en indiquant que le gouvernement travaillait d’ores et déjà à un plan “de résilience” pour les agriculteurs qui subiront les conséquences de la crise ukrainienne.
Un conflit annoncé malgré l’espoir d’une solution diplomatique
Huit ans après l’annexion de la Crimée par la Russie et l’autoproclamation des provinces ukrainiennes (“oblast”) de Donetsk et Louhansk, qui forment le Donbass, en “républiques populaires” indépendantes (aucun État n’a reconnu ces déclarations d’indépendance, à l’exception de la Russie, le 21 février 2022, par la voix de son président qui s’en était pourtant abstenu pendant près de huit ans), Vladimir Poutine a franchi une nouvelle étape en lançant, le 24 février, une attaque militaire massive sur l’ensemble du territoire ukrainien. La position du président ukrainien Volodymyr Zelensky, élu en avril 2019, qui souhaite un rapprochement avec l’Union européenne et une adhésion à l’Otan, la non application des accords de Minsk II (suite au cessez-le-feu, retrait des armements lourds et engagements politiques en faveur d’une plus grande autonomie du Donbass) laissaient craindre le pire, mais la voie diplomatique avait été, jusqu’au 24 février, privilégiée.
Quelles conséquences pour l’Europe… Et l’agriculture ?
À l’heure où j’écris cette chronique, difficile de connaître l’issue de ce conflit. L’Union européenne et ses partenaires ont fermement condamné l’invasion ukrainienne et pris un train de mesures contre la Russie. Celles-ci ont été renforcées samedi avec l’exclusion de certaines banques russes du système de messagerie SWIFT, le blocage du déploiement des réserves internationales de la Banque centrale russe ou la limitation de la vente de citoyenneté, au moyen des fameux “passeports dorés”, qui permettent aux Russes fortunés liés au gouvernement russe de devenir citoyens des pays de l’Union européenne et d’accéder à ses systèmes financiers. Dimanche, la présidente Von der Leyen annonçait que “Pour la toute première fois, l’UE s’apprête à financer l’achat et la livraison d’armes et autres équipements à destination d’un pays faisant l’objet d’une attaque”.
Au-delà des plus graves conséquences que seront les pertes humaines de ce conflit et des conséquences économiques et sociales en Ukraine, un fort impact est à craindre sur le plan de l’approvisionnement en produits alimentaires (à commencer par les pays en voie de développement) et en énergie. Les systèmes d’information (notamment Internet) sont également des cibles potentielles… Et de nouvelles menaces proférées par la Russie font craindre le pire. Comme tous les secteurs économiques, l’agriculture de l’Union européenne sera impactée par un surcoût des intrants, des entraves dans les échanges commerciaux.
La question de la souveraineté alimentaire, énergétique et politique de l’Union européenne est plus que jamais à l’ordre du jour.
Claire Sarda-Vergès
ADRET – Europe Direct Pyrénées
www.europedirectpyrenees.eu