Parce que rien n’est jamais simple #20 [par Yann Kerveno]
Vous avez dit boulot ?
S’il y a un truc qu’il va falloir surveiller, c’est bien la question de la main-d’œuvre. On aura rarement vu autant que cette année les appels à saisonniers se multiplier sur les réseaux sociaux pour l’agriculture, la restauration. C’est le cas pour les vendanges en particulier, mais la saison fruitière s’est aussi déroulée dans un climat de tension palpable. Au Royaume-Uni, c’est pire. Ainsi, plus de 60 % des petits abattoirs pourraient fermer dans le pays d’ici cinq ans et le manque de salariés, ou de salariés compétents, ajoutés à l’âge des propriétaires jouera un rôle majeur dans cette affaire. Mais dans l’aval, ce n’est guère mieux. Ainsi Ranjit Singh Boparan, patron de 2 Sisters Food Group, un des principaux opérateurs de l’agroalimentaire anglais, a prévenu que la crise de la main-d’œuvre qui se dessine pourrait être la pire de ces 75 dernières années.
Brexit et Covid-19
Avec deux causes majeures : le Brexit, qui, selon lui, a réduit le nombre de salariés disponibles, provoquant une pénurie de personnel de 15 % dans son entreprise qui emploie 16 000 personnes, et la pandémie qui laisse sur le carreau les travailleurs en cas de contamination… Selon Ranjit Singh Boparan, sont aujourd’hui directement menacés les approvisionnements en viande de poulet et de dinde dans le pays. Ailleurs, au Sri Lanka, le pays a déclaré l’État d’urgence alimentaire pour faire face aux pénuries liées à la crise de la Covid, dans le monde, le nombre de personnes qui souffrent de la faim a progressé de 15 % entre 2019 et 2020… Voilà qui rend pertinent la tenue du prochain Food Summit de l’ONU (23 septembre prochain). Mandaté par l’organisation, le “groupe scientifique” du sommet a publié ses recommandations pour les prochaines années. Et discerné sept chantiers majeurs invitant l’ONU à faire confiance à la science et à la recherche… Le premier doit améliorer les régimes alimentaires par le développement de la recherche en agriculture, l’augmentation de la production de manière durable, et faire reculer le gaspillage de produits alimentaires…
L’outil Biosciences
Un autre consiste à sécuriser le système alimentaire mondial devenu très complexe. Un autre insiste sur la protection de la ressource, un autre sur le nécessaire effort à faire pour développer les biosciences avec le recours aux biotechnologies pour accroître la productivité, la qualité, la résistance des plantes aux ravageurs et aux sécheresses. Bouclons la boucle, nos voisins anglais profitent d’ailleurs de leur liberté retrouvée sur ce sujet pour mettre en essai aux champs un blé “génétiquement édité à l’aide de la technologie Crispr-Cas9”. Blé comportant des teneurs moindres en asparagine qui se transforme en acrylamide, une substance cancérigène quand on le passe au grille-pain.
Sachez aussi qu’en Espagne on regarde s’il ne serait pas possible de produire de l’aliment pour le bétail à partir des rafles de raisins et que la commission européenne a admis que le programme Farm to Fork, qui encadre la nouvelle PAC, allait conduire à des baisses de productions sensibles. Le ministère de l’Agriculture américain était parvenu aux mêmes conclusions il y a quelques mois. Mais nous en reparlerons la semaine prochaine.