Une tournée des vendanges à deux préfets [par Yann Kerveno]
Étienne Guyot avait promis de revenir aux vendanges. Le préfet de Région était la semaine passée à Estagel, six mois après le gel. La récolte sera de nouveau historiquement basse.
Normalement, à cette saison, il y a la traditionnelle tournée des vendanges, mais cette année, c’était un peu spécial puisque le préfet de Région, Étienne Guyot, était de la partie avec le préfet des Pyrénées-Orientales, Étienne Stoskopf. Venu à la suite du gel du printemps dernier, il avait promis qu’il reviendrait. Ce qu’il a fait jeudi dernier pour une tournée des vignes accompagné du préfet des Pyrénées-Orientales, du directeur régional de l’agriculture et de la forêt avant une réunion avec les représentants de la profession agricole, viticulteurs en tête. Après la visite d’une vigne gelée au printemps, d’une autre également gelée mais pour laquelle l’irrigation permettra une vendange, un détour par les stigmates de l’incendie parti de Maury fin août, la réunion commençait par la présentation des prévisions de vendange. Selon les estimations de la Chambre d’agriculture, elle devrait s’établir quelque part entre 500 000 et 510 000 hectolitres… Soit moins que l’an passé, année qui, avec 513 000 hectolitres, était déjà un “plus bas” historique.
Invités à s’exprimer, les représentants syndicaux prenaient ensuite tour à tour la parole, s’étant à l’avance réparti les griefs à énoncer. David Drilles, président du Syndicat des vignerons, dressait la liste des calamités accumulées depuis 2017, gel, sécheresse, tempêtes, échaudage, Gloria, mildiou… Auxquels il faut adjoindre, ajoutait-il, “la flavescence dorée, eudemis, Criptobablès, qui induisent des coûts supplémentaires, les dégâts de sanglier, les terres incultes qui bordent les vignes et favorisent la dégradation sanitaire, les incendies…”
Et l’irrigation ?
Il posait ensuite quelques questions : “Avec Gloria, on a vu passer des millions de mètres cubes d’eau, pourquoi ne pouvons-nous pas avoir de lacs collinaires pour stocker toute cette eau ! Parce que l’ironie de l’histoire, c’est que quelques semaines après Gloria, nous nous sommes trouvés en restrictions à cause de la sécheresse ! Et rebelote cette année !” Présidente de la Chambre d’agriculture, Fabienne Bonet revenait sur cette question de l’irrigation en conclusion de la réunion en rappelant l’urgence de doter le département d’équipements. “Ce sont des dossiers qui sont trop longs, mettent trop de temps à aboutir” expliquait-elle. “Nous subissons les tracas d’une partie de l’administration, en particulier et surtout de la DREAL, sur ces dossiers qui sont pourtant vitaux pour nous et pour la vie économique de notre région ! Alors que des passes à poissons sont construites dans les cours d’eau et que ça coûte 2 M €.”
Intervenant auparavant, Bruno Vila, président de la FDSEA 66. D’abord pour regretter les conditions requises afin de pouvoir accéder au fonds d’urgence débloqué par le gouvernement après le gel et le montant de celui-ci, 600 000 euros pour les Pyrénées-Orientales sur un total de 6 M €. “Avec ces conditions sociales d’accès au fonds d’urgence, le RSA, la prime d’activité, etc, vous avez des agriculteurs qui ont été très touchés par le gel mais qui n’ont perçu aucune aide ! Et comme l’aide du Département et de la Région vient s’ajouter à l’aide de l’État, ça se démultiplie.”
CA plutôt qu’EBE
Pour la seconde vague d’aides, liée au dispositif des calamités agricoles, il réclamait ensuite que, pour le calcul, ce soient les historiques de production qui soient pris en compte et non le barème. Enfin, il réclamait aussi une aide pour développer l’assurance chez les agriculteurs dans le département. “Compte tenu des chiffres d’affaires ici, il est difficile aux exploitations d’investir dans les assurances, d’autant que les barèmes d’indemnisation ne sont pas adaptés”.
Intervenant au nom des coopératives, Guillaume Ribes, lui, demandait que le calcul des aides aval ne soit pas basé sur l’excédent brut d’exploitation qu’il juge non pertinent pour une coop dont le rôle est de maximiser la rémunération du producteur. “Il faudrait que le calcul se base sur la perte de récolte et sur la perte de chiffre d’affaires liée à cette perte de récolte.” Pour les jeunes agriculteurs, Pierre Pagnon interpellait la Région, le Département et la Métropole en leur demandant où ils en étaient des aides avancées et promises.
“Écoutez le terrain !”
Si rien n’a été engagé pour le moment par le département pour une raison technico-juridique, Judith Carmona, conseillère régionale, précisait que les agriculteurs des Pyrénées-Orientales avaient bénéficié d’un premier versement fin août, pour 72 dossiers et 169 000 euros. En réponse les représentants de l’État, apportaient les précisions souhaitées sur les futures aides et invitaient les uns et les autres, profession agricole et collectivités territoriales, à se retrouver comme envisagé dans le cadre d’une nouvelle conférence des financeurs afin “de travailler à gommer les éventuelles inégalités du fonds d’urgence.” En conclusion de son propos, David Drilles exhortait l’État à “écouter le terrain.” Et le préfet de Région de répondre : “Mais c’est précisément le but de cette réunion.”