Maître Carbone prône un verre allégé

La viticulture ne déroge pas au calcul de l’empreinte carbone et des outils de diagnostics spécifiques ont été créés à partir de la méthodologie des bilans carbone développée par l’ADEME. Votre Chambre d’agriculture s’y est récemment investie. Un exercice délicat mais aux enseignements surprenants…

Les premiers résultats de diagnostic carbone appliqués à la filière viticole départementale sont sans appel : le 1er poste d’émissions de GES au sein d’un domaine viticole est la consommation de… bouteilles en verre ! Avec un poids moyen autour des 600 g, près de 75 % des émissions de GES sont liés à ce poste. En effet, la production de verre fait intervenir plusieurs sources d’émissions significatives (fours, emballages, fret, etc.). La situation est donc bien différente pour les coopérateurs dont la partie cave est externalisée. Il s’agira donc de voir si les bonnes pratiques sur chaque exploitation de cave coopérative compenseront le diagnostic de la cave dont le bilan sera fortement négatif par la consommation de bouteilles.

Le 2e poste d’émissions de GES correspond à l’utilisation d’engrais minéraux ou organo-minéraux qui, selon les quantités consommées dans une année, peuvent représenter un poste important d’émissions de GES, entre 10 % et 15 %. La consommation d’engrais minéraux participe directement à la production du gaz N2O persistant 114 années et au pouvoir réchauffant de 298 (1 pour le CO2 en comparaison).

En 3e position des postes les plus émetteurs de GES arrive finalement celui associé à la consommation de GNR et gazole, soit en moyenne 10 % des émissions de GES. Sans surprise, c’est le poste entretien du sol qui consomme le plus de cette énergie fossile (de 30 % à 75 % selon les pratiques). L’utilisation de MAV peut représenter également un poste émetteur conséquent. Sont pénalisées également les vignes éloignées du pôle vinification avec du transport de vendanges qui occasionne des émissions. À noter qu’une conversion au bio supposerait une hausse des émissions entre 20 et 30 %, hausse liée au nombre de passages plus important pour l’entretien du sol et la protection phytosanitaire, et finalement représenterait donc une augmentation à la marge dans le cas d’un domaine consommant des bouteilles de verre.

Structures coopératives et particulières ne sont donc pas logées à la même enseigne, les caves particulières émettant 8 fois plus de GES pénalisées par les bouteilles en verre (Fig 1.). Il est difficile dans ce cas de compenser ces émissions au sein de l’exploitation car les leviers sont peu nombreux, limités en terme de compensation et potentiellement dangereux pour certains leviers vis-à-vis de la pérennité de la vigne sous nos latitudes : développer l’enherbement hivernal, voire permanent, maximiser le piégeage de carbone en plantant des haies, en maintenant des prairies ou des friches. Mais aucune de ces pratiques ne compensera totalement les émissions liées à l’achat de bouteilles en verre. La solution se trouverait davantage dans la recherche de bouteilles en verre moins lourdes ou de nouveaux contenants (BIB, canettes recyclées, fibre de lin ?) ou la création d’un réseau de consigne.

Pour rationaliser les émissions de GES, les caves coopératives devront réfléchir à leur itinéraire technique et particulièrement à la réduction de la consommation de fuel et leur dépendance aux engrais minéraux et organo-minéraux ainsi qu’à la restructuration de leur vignoble, davantage centré autour de la cave, tandis que les caves particulières devront actionner un levier portant sur la diminution du poids des bouteilles en verre ou la réutilisation des bouteilles en verre.
Ne sont pas pris en compte pour le moment les produits phytosanitaires par manque de données, les engrais organiques et la partie cave avec les matières sèches ou encore la thermovinification.

Ces résultats doivent permettre :
– de définir les postes les plus émetteurs ;
– d’établir un plan d’action afin de les réduire ;
– de modifier à long terme la stratégie technique pour rendre un domaine progressivement moins émetteur ;
– d’anticiper un durcissement de la réglementation et une labellisation des productions.
L’élaboration d’un label “Bas carbone” pour la filière viticole est toujours en cours de rédaction et pourrait voir le jour en 2023.

Le réseau Chambre poursuit les diagnostics afin de capitaliser les résultats aux échelles régionales et nationales. Au niveau du département, des diagnostics supplémentaires sont nécessaires pour obtenir des données plus robustes.
Pour retrouver l’intégralité de cet article, vous pouvez consulter le site internet de la Chambre d’agriculture.
Si vous souhaitez réaliser un diagnostic de votre exploitation, vous pouvez prendre contact auprès d’Antoine Cuegniet.

Antoine Cuegniet
Service Viticulture
Chambre d’agriculture des P.-O.

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