Lettre à Jean Lassalle [par Jean-Paul Pelras]
Jean,
vendredi dernier, tu me disais au téléphone subir toujours et encore l’ostracisme de nombreux médias nationaux, tel France Inter qui n’a pas jugé bon de te convier à un échange sur la jeunesse dans le cadre des présidentielles alors que d’autres candidats n’ont pas été “oubliés”. Précisons que, de toute évidence, tu n’étais pas non plus le bienvenu sur LCI lors du débat réservé lundi “aux grands candidats” Hidalgo, Jadot, Le Pen, Mélenchon, Macron, Pécresse, Roussel et Zemmour. Pas plus que tu ne fus convié tout récemment par Bernard Henry Levy qui organisait un rassemblement de soutien au peuple ukrainien le 1er mars sur la scène du Théâtre Antoine à Lutèce. Participaient à ce “meeting de solidarité” François Hollande, Christophe Castaner, Jean-Michel Blanquer, Anne Hidalgo, Valérie Pécresse, Frederic Mitterrand, Caroline Forest, Inna Shevchenko, Beigbeder, Bruckner, Cazeneuve, Kouchner et environ 800 personnes qui se pressaient, ce soir-là, de la fosse au poulailler, pour apporter leurs contributions et leurs consciences à ce grand moment de communion et d’advertance.
Parce que tu n’as pas le pédigrée de ceux qui, derrière le prisme de leur “Comité d’admiration mutuelle”, influencent le débat, tu es considéré comme étant un étrange et “sympathique” candidat qui conduit une motofaucheuse torse nu, un mouchoir noué sous le béret, dans quelques lointains prés béarnais. Et, comble du parjure, qui s’offre les services de trois curés pour une seule et même sépulture.
Et pourtant, à bien y regarder, “la marche” que tu as effectuée sur plus de 5 000 kilomètres pour échanger avec tes contemporains vaut bien celle d’un banquier-président. De surcroit, combien de politiques ont, comme toi, tenu 39 jours sans manger et perdu 21 kilos avant d’obtenir gain de cause pour défendre le maintien, dans un territoire rural, d’une entreprise menacée ? Combien de députés, loin du spectacle affligeant qui habille et déshabille le monde politique du moment, ont osé entonner un chant régional pour tester l’acoustique du Palais Bourbon et faire entendre la voix de leurs villages ou de leurs départements ? À l’inverse, combien de parlementaires savent rester stoïques comme tu l’as fait, lorsque tu as refusé d’enlever un gilet jaune malgré les injonctions du président de l’Assemblée et l’approche “très prudente” d’un huissier ?
Tu appartiens à ce monde rural où l’on sait encore retourner son assiette à la fin du repas pour découper le fromage sur l’aire d’un pouce et remuer le café avec le manche de la fourchette. Ce monde rural dont tu peux parler sans que les coutures ne se voient. Ce monde rural qui te considère désormais comme étant, dans cette course aux suffrages, son plus fidèle intercesseur. Ton art de l’élocution, voire de l’autodérision, porté par un accent rocailleux en impose jusqu’à déstabiliser le tout-Paris politicien. Ce tout-Paris blousé et blasé qui a oublié le vrai visage humain, celui où l’être l’emporte sur le paraître. Celui qui n’est déformé par aucune comédie quelconque. Parce que tu viens de ce monde qui est le nôtre, ce monde où il faut savoir travailler la terre pour pouvoir en vivre, ce monde de sentiers à ouvrir, de puits à creuser, de foins à couper, de bêtes à traire, de vignes à vendanger, d’eau à épier dans un ciel, plus souvent sans Dieu que sans nuages et de verres à partager à l’ombre des bons moments.
Voilà, Jean, j’étais juste passé te saluer, loin de cette propagande subventionnée dont les médias du moment sont friands. Quoi qu’il advienne reste ce que tu es. Car nous sommes nombreux à savoir que la sincérité s’exprime toujours, loin de l’entre soi sophistiqué, avec l’accent de ceux qui ne font pas semblant d’exister.
Amitiés.