Lettre à Delphine Ernotte, présidente de France Télévision [par Jean-Paul Pelras]
Madame,
il est en train de se passer quelque chose dont vous êtes en partie responsable eu égard au poste que vous occupez. En effet, lorsque nous souhaitons nous divertir et nous informer, difficile de passer une soirée ou de terminer un repas sans entendre parler d’écologie sur les chaines du groupe France Télévision que vous présidez. Des journaux télévisés à “météo climat”, en passant par les reportages visant à nous sensibiliser sur l’environnement, nous sommes confrontés à une infantilisation permanente qui nous rend responsable de la disparition des oiseaux, de celle des haies ou des insectes (sauf ceux que l’on veut nous faire manger), de la sècheresse, des inondations, de la montée des océans et de tout ce que nous détruisons en consommant. Le tout, bien sûr, judicieusement diffusé entre deux annonces publicitaires qui nous invitent à… consommer.
Évoquons, à ce propos, la présence récurrente de quelques vedettes ultramédiatisées venues promouvoir sur les plateaux TV leurs productions artistiques, littéraires ou cinématographiques. Tel Harison Ford au micro de Laurent Delahousse sur France 2 qui lance “Si on ne se bouge pas le cul maintenant, on va perdre cette planète”. Un message adressé, quelque part, entre la soupe et le dessert, aux téléspectateurs français, depuis ce Festival de Cannes où Indiana Jones s’est transporté en jet privé. Comme lui, nous voyons défiler sur les chaines du Service public, à longueur d’année, des dizaines de prescripteurs d’opinion qui n’en sont plus à un paradoxe près. Ambassadeurs du climat, ils donnent la réplique à Hugo Clément ou Élise Lucet qui travaillent pour les chaines que vous présidez et n’hésitent pas à stigmatiser l’agriculture française en toute impunité.
Je ne vais pas revenir ici sur ces émissions à charge qui contribuent un peu plus chaque jour à la paupérisation de nos campagnes et à la raréfaction de nos paysans fatigués, écœurés, révoltés et trop souvent résignés face à un tel acharnement. Je vous invite à relire mes éditoriaux, mes correspondances ou mes tribunes, diffusées au cours des 4 dernières années dans L’Agri, dans Le Point ou dans l’Opinion pour prendre la mesure des dégâts que ces reportages et ces émissions diffusées en “prime time” peuvent provoquer.
Des émissions qui ne sont certainement pas pour déplaire à votre directeur des programmes, Stéphane Sitbon Gomez, membre d’Europe Écologie les Verts, ancien conseiller spécial de Cécile Duflot, ancien directeur de campagne d’Éva Joly, titulaire d’un master obtenu à l’institut d’études politiques de Paris, intercesseur écolo-médiatique de premier plan. Désormais renseignés sur celui qui tient la zapette, nous comprenons d’autant mieux d’où vient cette propension à stigmatiser le paysan qui ne s’est pas converti au bio ou qui ose creuser des retenues d’eau pour pouvoir irriguer son champ. Cette façon sournoise qui consiste à contraindre par l’émotion, en relayant des propos et des images anxiogènes, n’est plus acceptable. Le prisme des médias pouvant, de surcroît, influencer, et nous venons de le voir avec le rapport de la Cour des comptes sur l’élevage bovin français, la galaxie politique. La propagande audiovisuelle consistant à désigner systématiquement le modèle agricole français est en train de précipiter son déclin tout en favorisant, de facto, l’importation de produits étrangers. Cette méconnaissance des enjeux, volontairement ignorée car la peur se vend mieux que la réalité, menace nos campagnes, notre agriculture et sa compétitivité. La pente sur laquelle France Télévision s’est délibérément engagée suscite, par ailleurs et dans toutes les strates de notre société, une certaine saturation, voire désormais une certaine aversion. Et cette phrase “La télé, le climat, les écolos, ca commence à bien faire, je ne la regarde plus” est de plus en plus répandue.
Ou comment, avec entre 2 et 4 % des suffrages obtenus lors des élections, les tenants de l’écologie punitive vont finir par lasser sérieusement les dizaines de millions de téléspectateurs qui en ont assez de payer pour satisfaire les lubies et les lobbies de ceux qui, depuis Paris et quelques studios climatisés, nous disent comment nous devons vivre, travailler, nous déplacer, nous nourrir, nous habiller et éduquer nos enfants. Sans oublier, au passage, d’acquitter toutes les taxes imaginées par ces gens-là pour, soi-disant, préserver l’environnement.
J’écrivais dans Le Point et dans l’Agri, en 2020, “Dans 20 ans les agriculteurs français auront disparu”. Je rajouterai aujourd’hui qu’il en ira de même, et peut-être encore plus rapidement, pour France Télévision si ceux qui dirigent le Service public continuent, en invitant les enfants gâtés du système, à imposer leurs idéaux au détriment des enjeux économiques et sociaux.
Bien cordialement.
Jean-Paul Pelras
Merci pour cette tribune
En effet, les directeurs de programme ne se rendent pas compte de ressentiment (qui peut devenir violent) qui monte contre eux-même et contre le microcosme parisien qui n’a jamais vécu en zone rurale et fait bien d’ignorer les intérêts agricoles (et donc économique) de la France
Bravo ! Il faut réagir contre cet agribashing insupportable ! Plein soutien à nos agriculteurs, nos paysans qui nous nourrissent !