Les “gros mots” de Jean-Paul Pelras : Le muscle

Évoquons aujourd’hui cette photo qui fit le tour des médias français et de la presse internationale. Celle qui montre Emmanuel Macron en train de taper dans un sac de boxe, visage crispé, mâchoire serrée, la petite veine qui va bien fournie avec le muscle saillant sur le cliché. Immortalisé par la photographe officielle de l’Élysée, Soazig de la Moissonnière, l’acte sportif du président de la République a suscité bon nombre de railleries et d’interrogations dans la galaxie médiatique, dans le landerneau politique et, plus globalement, dans l’opinion.
Outre-Manche, The Daily Telegraph est même allé jusqu’à publier cette photo en Une de son édition avec ce titre « L’ultime démonstration de la virilité » dont certains observateurs (probablement de mauvaise foi…) iront jusqu’à dire qu’elle a été « retouchée ».

Une fois n’est pas coutume, nous citerons, à ce propos, un tweet de Sandrine Rousseau qui dit « ces codes virilistes utilisés jusqu’à l’overdose. Quelle misère politique ! Quelle défaite du progressisme. Et quelle indigence de la communication politique… » Comment (même s’il m’en coûte) donner tort à la députée écolo-féministe quand on prend la mesure du contexte et, effectivement, celle d’une fonction présidentielle dévoyée par une communication où le paraître l’emporte sur l’être, où la componction s’efface derrière la prétention. Et ce, alors que le Daily Mail titrait « Macron, le grand narcissique » et que la BBC lui collait un énième surnom : Rocky ! De quoi imaginer un combat entre l’américain Balboa et le russe Drago via ce message, qui n’a certainement rien de subliminal, directement destiné à Poutine, lui-même adepte de la surenchère musculaire, s’exhibant torse nu chevauchant un cheval au milieu d’une rivière, s’entraînant au judo ou disputant une partie de hockey avec son homologue biélorusse Alexandre Loukachenko.

Des mises en scène censées capter le prisme populaire qui ne sont en réalité que dérives populistes, là où l’intimidation animale l’emporte sur la joute verbale. Là où la politique spectacle, alors que le monde traverse une période de tensions historiques, est en train de nous livrer un registre des plus pathétiques. À l’instar d’Olivier Véran, ancien ministre de la Santé redevenu député et officiant désormais dans la médecine esthétique après avoir été, comme chacun le sait, expert dans la vaccination au pays où rien ne fut obligé mais où tout fut interdit. Véran qui a donc, lui aussi, enfilé ses gants de boxe pour s’entraîner à Aulnay sous-bois dans le 9-3. La boxe, également pratiquée par Edouard Philippe ou, encore et certainement pas dans le même club, par Valerie Pécresse et Rachida Dati pour citer, du côté du Havre ou de Lutèce, ceux qui, bien sûr, ont pour unique ambition de servir notre pays.

Au registre des athlètes politiciens nous retiendrons également les joggers Nicolas Sarkozy, François Fillon et Elisabeth Borne, un autre boxeur Benoit Hamon, sans oublier le footballeur François Hollande, également spécialisé dans le pilotage de scooters.
Gage de bonne condition physique induisant, de facto, une excellente santé morale, la pratique du sport, a fortiori de combat, devrait nous rassurer à l’aune d’une époque où la diplomatie vire dangereusement au pugilat. Ne reste plus qu’a croiser les doigts pour que la mise en scène ne dépasse jamais les arpents de ce pitoyable « cinéma ».

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