La punition ! (Par Jean-Paul Pelras)

Pour commencer, adressons nous à Pierre Mathis, éditorialiste au journal L’Indépendant (Groupe la dépêche) qui écrit en parlant de Macron au lendemain de son allocution présidentielle : “Il sait qu’il a pour lui l’opinion”. Entre le savoir et le croire ou le laisser croire, cher Pierre, il existe quelques écarts qu’il faut aller chercher du coté des 10 % obtenus lors d’un suffrage qui comptait tout de même 70 % d’abstention. Qu’il faut aller chercher lors du second tour où, pour la première fois de l’histoire, un parti présidentiel était absent des radars. Qu’il faut aller chercher dans ce consentement à géométrie variable, qui conditionne le choix de ceux qui ne l’ont pas. “À partir du 15 septembre si vous n’êtes pas vacciné, vous ne pourrez plus exercer et vous ne serez plus payé” déclarait, à ce titre, le ministre de la Santé. Un “gage de reconnaissance et de confiance” évident envers celles et ceux dont le premier d’entre nous, qui n’en est plus à une pirouette près, louait pourtant le dévouement et l’abnégation il n’y pas si longtemps encore.

Comment a-t-on pu en arriver là ? Oui, comment un gouvernement peut-il déconsidérer, punir, dégrader et, de facto, stigmatiser comme le ferait un corps d’armée avec des déserteurs, ceux qui passent leurs vies à soigner ? Que ferez-vous, cher confrère, le jour où le pouvoir viendra censurer vos propos car il les trouve (ce qui ne risque pas d’arriver pour l’instant…) inappropriés au message qu’il entend véhiculer ? Qui, dans cette histoire, détient la vérité ? Les politiques qui souhaitent se représenter, les scientifiques qui veulent exister, les médias qui vendent du papier, les laboratoires qui voient leur avenir assuré, les Français qui veulent pouvoir voyager ou ceux qui, parias invétérés, osent encore douter…

Des dizaines de milliers d’inscription sur Doctolib au moment où Macron s’exprimait ne suffisent pas à constituer une opinion, alors que le chef de l’État parlait de troisième injection, alors que ceux qui ont été vaccinés ne sont peut-être plus immunisés depuis longtemps, alors que seuls des tests sérologiques peuvent apporter une réponse fiable et sécurisante à ce type d’interrogation.

“Il sait qu’il a pour lui l’opinion.” Mais de quelle opinion parle-t-on ? De celle qui applaudit quand un chef d’État reçoit des rappeurs en bas résille dans son salon feutré et des youtubeurs qui pourront survoler les Champs Élysées dans des avions à réaction le jour du 14 juillet. À moins qu’il ne s’agisse de quelques artistes de variété préposés aux lectures présidentielles dans les jardins du roi. Ou d’une majorité parlementaire confrontée à l’épineuse question du renouvellement de l’exploit…

Comment un président de la République peut-il ainsi encourager une partition au sein du peuple qu’il est censé représenter ?

Intéressons-nous plutôt à ceux qui sont punis. À la louche, disons un Français sur deux. Ceux qui n’ont pas cédé pour des raisons sociologiques ou professionnelles aux injonctions de l’injection. Ceux qui ne pourront plus se rendre au bistrot, au restaurant, au cinéma, à l’école, à l’hôpital, aux commissions ou, cet été, à la fête du village qui, de toutes façons, une fois encore risque d’être annulée. Et ce “en faisant peser les restrictions sur les non vaccinés”.

En tant que journalistes, nous devrions peut-être nous interroger sur cette petite phrase. Et nous demander comment un président de la République peut-il ainsi encourager une partition au sein du peuple qu’il est censé représenter ? Un peuple qui n’a pas à se justifier, qui n’a pas à dire, à part à son médecin, s’il a ou non prêté son épaule au vaccin. Un peuple qui ne fait peut-être pas l’opinion, mais qui, si vous avez, cher confrère, l’audace de tendre l’oreille, n’a pas encore donné son absolution. Tout simplement car il est excédé par trop d’atermoiements, par trop de promesses non tenues à l’aune de ces réformes qui n’ont de sociales que le nom. Tout simplement car il ne comprend pas pourquoi des millions de touristes étrangers sont à nouveau autorisés à circuler sur le sol français, là où, comme par hasard, le taux de contagion à soudainement augmenté, alors que l’autochtone ne pourra bientôt plus pousser la porte du supermarché pour s’avitailler.

Car c’est ce genre d’incohérence adossée à un mépris de plus en plus prégnant que les Français, vaccinés ou non, ne sont plus disposés à accepter. Un discours présidentiel qui, à défaut de convaincre “l’opinion”, nous a, au moins sur un point, permis d’espérer : Macron n’a pas dit implicitement qu’il allait se représenter.

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