Braquage électoral ! (Par Jean-Paul Pelras)
Voilà c’est fait, il est candidat. Pour officialiser l’affaire, à priori une lettre suffisait. Elle fut donc publiée dans la presse quotidienne régionale « subventionnée » qui lui devait bien ça et qui, de facto, se transforme en outil de propagande sans que personne n’ose s’en indigner.
Mais en définitive, qui vient de postuler pour la seconde fois au suffrage suprême ? Est-ce le président sortant qui est en campagne officieuse depuis 5 ans et qui pourrait d’ores et déjà préparer celle de 2027 ? Est-ce le chef d’un parti totalement absent des Régionales qui compte sur l’abstention et sur les coalitions du second tour pour rafler la mise ? Est-ce le « scientifique » qui nous empêchait de dépasser un kilomètre voilà deux ans et de pousser la porte de quelques restaurants avant de nous autoriser, par la voie de son Premier ministre et 4 heures seulement avant de se déclarer, à retrouver notre liberté ? Est-ce le président providentiel d’une Europe anémiée qui tutoie Poutine et demeure, urbi et orbi, le seul à pouvoir, selon ses disciples, négocier la paix ? Ou bien est-ce celui qui va tenter de renouveler l’exploit en essayant de nous vendre un bilan qui n’existe pas ?
Ce bilan du « quoi qu’il en coûte » que son ministre de l’Economie essaye de minorer depuis des mois en occultant la réalité de l’inflation, la dette publique abyssale, le déficit extérieur… Ce bilan qui est celui du déni et du mépris désormais gommé par l’extrême inquiétude que suscitent les priorités du conflit. Car, à n’en point douter, c’est le Chef des armées et lui seul qui vient de se constituer candidat, entre deux rendez vous diplomatiques, entre deux prises de parole cathodiques, entre deux pensées qui, bien entendu, relèvent davantage de notre sécurité que d’une bien dérisoire pirouette politique. Quelque part où le dosage entre ce que nous risquons et ce qui pourrait atténuer la menace est, mis à part en ce qui concerne les provocations de Bruno Lemaire, solidement étayé, calculé, calibré.
Macron renvoie à leurs dinettes et à leurs bacs à sable les autres candidats.
L’hyperprésidentialisation dénoncée jusque sur les bancs du Senat voici quelques mois vient de prendre encore un peu plus d’épaisseur. Elle neutralise le débat, asphyxie la campagne électorale, renvoie à leurs dinettes et à leurs bacs à sable les autres candidats. Ou comment le mépris s’invite jusqu’au dernier instant, ou comment l’indifférence devient la seule réponse aux critiques des impétrants. Dépités, car pieds et mains liés face aux enjeux géostratégiques dans les replis d’une ligne morale qu’il ne faut surtout pas franchir, ceux qui dénonçaient la politique de Macron et ceux qui postulent pour s’y opposer n’ont plus la capacité de s’exprimer dans les proportions qu’autorise une campagne classique. La guerre en Ukraine nous a donc volé l’élection. Nous sommes confrontés à un braquage électoral, consenti et légal. Tout simplement car il ne peut y avoir de rupture dans la continuité de l’Etat. Terme usité dès qu’il s’agit d’expédier entre deux ministres ou deux préfets les affaires non encore soldées.
Qu’adviendra t-il de l’Europe, de la France, de la paix si nous boutons, hors de ses fonctions et à l’heure de tous les dangers, Emmanuel Macron ? C’est ce que sont en train de se demander ceux qui hésitaient avant que Vladimir ne vienne tout bazarder. Car, à bien y regarder, Jupiter vient ici d’opérer un transfert de responsabilité. Il est en train de confier aux Français un choix qui, paradoxalement et à leur cœur défendant, leur est imposé.