La neige… Ou le début d’une descente aux enfers pour les maraîchers des P.-O. [par Thierry Masdéu]

Cet été, nous avons demandé à Thierry Masdéu de rechercher des images et de les commenter en apportant son témoignage personnel sur ce que furent les évènements agricoles marquants dans les Pyrénées-Orientales au cours des années 90.

1992, la neige… Ou le début d’une descente aux enfers pour les maraîchers des P.-O.

Dans un silence inhabituel pour le quartier, l’église Saint-Jacques vient de donner son dernier coup de cloche, la lumière du jour s’efface, il est 17 h 00, nous sommes le mercredi 22 janvier 1992 et la neige continue de tomber.

Le transistor crépite des brides d’informations sur la situation météorologique. À travers la vitre du bureau, je m’aperçois que l’épaisseur qui s’amoncelle sur les toitures, les véhicules et la chaussée, ne laisse présager rien de réjouissant, si ce n’est pour les enfants qui n’auront pas classe demain, ni les jours suivants. Sans commune mesure avec les années 81 et 86, cet épisode neigeux, qui va obliger le préfet Jean-René Garnier a déclencher dans la nuit le plan “ORSEC” neige, plonge le département des P.-O. dans un chaos profond. Suivant les secteurs, entre 50 et 80 cm de neige en plaine, plus d’un mètre pour les hauts cantons, verglas, congères, toutes les voies de communications ferroviaires et routières paralysées, coupures d’électricité majeures, la liste est longue, de quoi susciter l’intérêt des rédactions TV. Je prépare le matériel et pars à la chasse de vues insolites sur des lieux emblématiques de Perpignan, toute blanche, qui commence à grelotter. Images à la lueur des lampadaires qui serviront, comme celles au petit matin, d’illustrations au reportage. Ce reportage qui sera, c’est décidé, axé sur les nombreux dégâts que la tempête de neige a occasionnés chez les maraîchers. Piloté par les techniciens du CDJA, de la FDSEA et de Groupama, j’arrive sur des exploitations en Salanque. Là, je découvre un spectacle de désolation, un enchevêtrement de tubes, bâches plastique, barres de fer, poutrelles, verres, agglutinés sur des plantations de salades. C’est le choc ! Même les structures métalliques qui semblaient si solides, sont à terre…

450 hectares sur 700 totalement détruits
Ce tableau est le même dans plusieurs communes de la plaine du Roussillon, ainsi que sur la ceinture verte de Perpignan. Tunnels, abris-chapelles, serres en verres, sur un parc de 700 ha que comptent les P.-O., plus de 450 ha sont détruits ou ont subi de sérieux dommages. La valeur de la reconstruction à neuf est estimée à plus de 390 millions de francs. Et le préfet dépêchera sur les lieux un détachement de militaires pour aider au déblaiement. Ce que nous voyons est spectaculaire, les images et les témoignages des agriculteurs le seront tout autant.
Les rédactions TV acceptent les reportages. Alors que je commence à enregistrer, je ne peux m’empêcher de penser à la douleur et au combat de ces familles de maraichers qui, en quelques heures au petit matin, malgré des efforts nocturnes considérables pour minimiser l’accumulation d’une neige lourde sur le toit des serres et abris, ont vu récoltes et outils de productions anéantis. Avec ou sans chauffage, pieux de fortune ou pieds-droits, les moyens de lutte déployés, pour certains au péril de leurs vies, sont dérisoires. Et les hommes n’ont pu rivaliser avec le poids d’une neige qui, par endroits, a exercé plus de 280 kg de pression au m². Le maraîchage n’est malheureusement pas le seul secteur touché, l’horticulture, l’arboriculture et l’élevage sont également sinistrés. La détresse palpable, que capte la caméra sur les visages exprime ce que représente la perte d’une vie de travail et les répercutions économiques à venir. Mais également cette force et ce courage qu’il va falloir trouver pour tout reconstruire, et tout recommencer…

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