Estagel : la cave sauvée des eaux ? [par Yann Kerveno]

La cave d’Estagel, Vignerons des Côtes d’Agly, est devenue apporteuse totale aux Vignerons Catalans dans le cadre des mesures de restructurations engagées pour sauver l’entreprise, confrontée à une succession de trois exercices lourdement déficitaires.

À l’aube d’une campagne qui s’annonce compliquée parmi les campagnes compliquées, le cas de la cave d’Estagel, ancien poids lourd du département, suscite bien des rumeurs ces derniers mois. Il y a d’abord les pertes, importantes, 1,4 M € au cours de l’exercice 2021-2022, qui s’ajoutent aux 350 000 euros de pertes cumulés sur les deux exercices précédents. Puis, au printemps dernier, cette alerte du commissaire aux comptes de l’entreprise et des discussions engagées avec au moins une autre cave du département en vue d’une fusion. De quoi alimenter les rumeurs les plus folles au printemps et durant tout l’été.

La solution n’est pas venue d’une autre cave, mais un peu par procuration, des autres caves du département réunies au sein de Vignerons Catalans. Trésorière de la cave d’Estagel et présidente des Vignerons Catalans, Fabienne Bonet précise que le cas d’Estagel, s’il est compliqué, n’est pas unique… “L’ensemble de la viticulture départementale souffre d’une conjoncture économique et climatique défavorable et elle ne date pas des trois dernières années ! La cave d’Estagel n’a pas échappé à ce postulat. Le plus important était de trouver des solutions qui pénalisent le moins possible les coopérateurs. C’est ce qui a été décidé par le conseil d’administration de la cave et c’est une bonne chose. Deuxièmement, la cave a fait preuve d’anticipation en provisionnant les stocks anciens en vue de la distillation” explique-t-elle.

Aide gel, ventes…

Pour sortir de l’ornière, les solutions n’étaient pas pléthore. Les mesures correctives habituelles de ce genre de situation ne pouvant suffire, comme le précise Fabienne Bonet, il fallait autre chose, une combinaison de décisions. “En premier lieu, il fallait que la cave récupère les 900 000 euros qui lui étaient dus, dans le cadre (des aides NDLR) du plan gel, c’est chose faite, ensuite, elle devait finir d’achever la cession des actifs improductifs, de l’immobilier dont nous ne nous servions pas, et enfin adopter une stratégie de développement efficiente. Les objectifs sont atteints” se félicite-t-elle.

Si la cave est sauvée, restait à border l’avenir. Fabienne Bonet rejette la piste d’une fusion avec une autre cave du département. “J’ai toujours dit et redit que ce n’est pas par des fusions que les caves s’en sortiront mais par un vrai rassemblement au service d’un objectif commun : la création de valeur.”
La piste suivie fut donc celle d’un rapprochement sensible avec les Vignerons Catalans dont la cave d’Estagel est, dès cette vendange, devenue apporteur total. “Je le redis, la solution se trouve, tout d’abord, par un décloisonnement adossé à une stratégie de création de valeur. Il y a 60 ans, à la création des Vignerons Catalans, les statuts étaient construits autour de l’apport total et ils sont toujours d’actualité ! Force est de constater, que, pour des raisons multiples et variées, les caves se sont éloignées des principes fondateurs de la SICA. D’autre part, VICA propose, aujourd’hui, par le prisme des Vignes du vent, une perspective qui valorise l’excellence de nos terroirs. Je suis certaine que les circonstances actuelles rapprocheront l’ensemble des caves adhérentes de nos principes fondateurs et je suis heureuse que la cave d’Estagel, et sa soixantaine de coopérateurs, (…) soit préfiguratrice de cette vision incontournable”.

Futur ?

Si la décision de mise en œuvre de cette solution a, selon nos informations, été largement approuvée par les caves adhérentes, sans toutefois faire l’unanimité, peut-elle préfigurer le futur, à court ou moyen terme, de la viticulture catalane ? Fabienne Bonet, également présidente de la Chambre d’agriculture, en est convaincue : “C’est le fonctionnement usuel de la plupart des unions de caves partout en France : l’union (ou son équivalent), assure la commercialisation en vrac et en bouteilles, la cave adhérente assure l’amont, sur la base des demandes et des cahiers des charges de l’union.” Avec à la clé, espère-t-elle, “des perspectives positives pour les coopérateurs des caves de VICA et un revenu des viticulteurs de facto plus ambitieux, parce qu’il éliminera des charges de structure étouffantes.”

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