Coupez ces tournesols que nous ne saurions voir… [par Yann Kerveno]

En 2016, 3 hectares de tournesols étaient fauchés dans les Pyrénées-Orientales. Le procès s’est tenu à Perpignan à la mi-octobre.

À cette date, le tribunal de Perpignan avait à juger la seule des actions des faucheurs volontaires à avoir eu lieu dans les Pyrénées-Orientales. Un seul prévenu était à la barre, Yves Meunier, alors que 200 personnes avaient pris part au fauchage de trois hectares de tournesols le 1er août 2016, dans les environs d’Elne. Rapide retour en arrière. Les faucheurs volontaires avaient plutôt sévi jusqu’ici dans le Sud-Ouest de la France et c’était leur première incursion dans les Pyrénées-Orientales. La culture fauchée ? Des tournesols VTRH ou, autrement dit, des variétés rendues tolérantes aux herbicides. En plus, ces trois hectares portaient des cultures de grande valeur puisque c’était ce qu’on appelle dans le jargon une culture de semences de base, c’est-à-dire de celles qui servent à fournir ensuite les multiplicateurs. Multiplicateurs qui pourront alors produire les semences commerciales destinées aux agriculteurs. Si ce sont les Pyrénées-Orientales qui ont été choisies pour implanter ces cultures à très forte valeur ajoutée, c’est parce que la production de tournesol y est inexistante et permet de garantir une grande pureté des semences. Elles ne risquent pas d’être contaminées par des semences commerciales implantées à proximité.

Que sont les VTRH ?
“Les producteurs de semences choisissent justement ce type de zone pour garantir des isolements d’un à trois kilomètres autour des parcelles. Le département avait en plus d’autres atouts” se souvient un acteur du dossier. “En plus de ces isolements. Nous avons ici des agriculteurs, maraîchers par exemple, qui sont de bons techniciens et il faut une certaine technicité pour mener à bien ces cultures. En plus, nous avons de l’eau pour garantir que la culture arrive à terme.” Mais que sont donc les VTRH ? Ce sont des plantes qui sont rendues tolérantes aux herbicides, procédé qui permet de simplifier la conduite des cultures. Comme le précise l’Anses dans le compte rendu que l’agence avait publié de son évaluation, les VTRH ne peuvent être obtenues par transgenèse en France, ni leur culture être autorisée. Les seules VTRH présentes ont donc été obtenues soit par la sélection variétale traditionnelle, soit par un autre procédé, la mutagenèse aléatoire*. Et c’est là le nœud de la question. À l’époque du fauchage, les VTRH n’étaient pas considérées comme des organismes génétiquement modifiés et c’est la voie que la recherche agronomique et variétale européenne avait choisi de suivre pour ne pas perdre trop de terrain technologique sur le reste du monde. L’Anses recommandait par ailleurs, en raison des risques avérés de développement de mauvaises herbes résistantes, un cadre de surveillance plus étroit de ces variétés.

OGM ou non ?
La Confédération paysanne avait choisi d’attaquer devant le conseil d’État le statut même des VTRH en octobre 2016, arguant que ces variétés étaient avant tout des OGM. Puis le conseil d’État avait transmis le dossier à la Cour de justice de l’Union européenne. Cour de Justice qui a fini par se ranger, en juillet 2018, à l’avis de la Confédération paysanne et estimer que toutes les variétés obtenues par mutagenèse relevaient de la législation encadrant les OGM. Décision confirmée ensuite par le Conseil d’État le 20 février dernier. Il n’est donc plus possible de cultiver des VTRH en France, puisque la culture des OGM y est totalement proscrite. “Il y avait une espèce d’hystérie autour de ce dossier” se souvient notre témoin qui souhaite garder l’anonymat. “Il y avait notamment eu cette réunion à Thuir avec les semenciers où l’on a pu croire qu’on allait assister à un lynchage en règle… Des intimidations, des menaces.” Comme souvent dans ce genre de dossier les réquisitions contre les faucheurs volontaires sont légères, à Perpignan, ce sont 5 000 euros qui sont réclamés au prévenu. Sans commune mesure avec la perte occasionnée à l’époque à l’agriculteur et à l’entreprise semencière. Verdict le 14 décembre prochain. 

* Contrairement aux organismes génétiquement modifiés dans lesquels on inclut un gène pouvant provenir d’une autre espèce, voir d’un autre règne, la mutagénèse aléatoire consiste à provoquer de nombreuses mutations dans les plantes, en modifiant les propriétés du milieu, afin de pouvoir sélectionner celles qui sont les plus intéressantes pour le but poursuivi.

Liens
Les recommandations de l’Anses
https://www.anses.fr/fr/content/utilisation-de-variétés-rendues-tolérantes-aux-herbicides-en-france
L’arrêt de la Cour de justice européenne
https://curia.europa.eu/jcms/upload/docs/application/pdf/2018-07/cp180111fr.pdf
La décision du Conseil d’État
https://www.conseil-etat.fr/ressources/decisions-contentieuses/dernieres-decisions-importantes/conseil-d-etat-7-fevrier-2020-organismes-obtenus-par-mutagenese

Où sont les hypocrites ?
La France et tout son personnel politique, quelle que soit la tendance, se sont félicités chaudement de l’attribution du prix Nobel de chimie à l’américaine Jennifer Douba et la française Emmanuelle Charpentier. Par pur chauvinisme d’affichage. Les travaux de ces deux talentueuses chercheuses ont en effet permis de mettre au point une technique nouvelle d’édition du gène, Crispr-Cas9 (prononcez Crisper casse nine). Or cette technique, bien plus précise que la mutagenèse aléatoire ou dirigée et encore balbutiante, relève de la réglementation européenne sur les OGM et est donc interdite dans la recherche agronomique. Et voilà comment la schizophrénie décroissante de la gauche écologiste empêche l’Europe d’avancer. Et prive les agriculteurs de plantes qui, avec des propriétés adaptées, pourraient permettre de diminuer les intrants, diminution que les écolos réclament à cor et à cri… Comprenne qui pourra.

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